Vincent Richard, UFR Santé
Professeur des Universités à l'UFR Santé et Praticien Hospitalier au CHU de Rouen (PU-PH), en Pharmacologie
"Durant ces périodes très particulières où la communication a été souvent mise à mal, n'oubliez jamais de maintenir votre esprit critique, documentez-vous..."
Cet entretien a été réalisé dans le cadre de la mise en ligne d’une actualité sur le Covid-19.
- Pouvez-vous vous présenter et nous rappeler vos différentes fonctions ?
Je suis Professeur des Universités à l’UFR Santé & Praticien Hospitalier au CHU de Rouen (PU-PH), en pharmacologie (étude des médicaments). Je dirige une unité mixte de recherche Inserm/Université de Rouen Normandie U1096 EnVI (Endothélium, Valvulopathies et Insuffisance Cardiaque), qui concentre ses recherches sur les maladies cardiovasculaires. Je dirige également la Fédération IRIB (Institut de Recherches et d’Innovations Biomédicales) de l’université de Rouen Normandie.
Au plan national, pour ce qui concerne ma discipline de pharmacologie, je suis membre des conseils d’administration de notre société savante, la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique (SFPT, “past-president”) et de notre collège d’enseignants de pharmacologie médicale (CNPM).
- Dans le cadre de la pandémie Covid-19, vous avez contribué à la création d’une FAQ sur la consommation de médicaments. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la genèse de cette FAQ et du collectif à l’origine de sa création ?
C’est une action que j’ai entreprise au titre de la Société Savante évoquée ci-dessus, la SFPT, dont je gère en plus le site Internet depuis de nombreuses années. Peu de temps avant la mise en place du confinement, j’ai été contacté par deux collègues, comme moi PU-PH en pharmacologie à Grenoble et Bordeaux. Nous avons fait ensemble le constat qu’il y avait une demande claire du grand public autour des questions concernant les médicaments et le Covid-19, non seulement sur les traitements potentiels de la maladie, mais aussi et surtout sur l’influence éventuelle de la pandémie sur la prise en charge médicamenteuse d’autres maladies (par exemple l’asthme, l’hypertension, le diabète, etc.). Nous avons identifié dans ce contexte un besoin important d’information validée par des experts issus du milieu hospitalier et universitaire public français, capables de répondre avec la meilleure réactivité possible aux questions du public et à l’actualité des traitements.
De ce fait, nous avons rapidement mis en place au niveau national un comité éditorial d’une dizaine de membres, et un conseil scientifique d’une vingtaine de membres représentant les différents partenaires spécialistes du médicament : SFPT & CNPM, mais aussi les réseaux français des centres régionaux de pharmacovigilance et des centres d’addictovigilance, le collège des enseignants de thérapeutique, et l’association nationale des Enseignants de pharmacie clinique. Afin de pouvoir fournir une validation croisée de toutes les réponses, nous avons constitué une base d’environ 40 experts rédacteurs ou relecteurs, tous spécialistes du médicament et pour la plupart issus d’une autre spécialité médicale (cardiologues, neurologues, pneumologues, etc.).
Bien sûr cette action n’aurait pas été possible sans le partenariat avec nos institutions gouvernementales, en l’occurrence le ministère des solidarités et de la santé, et l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). En plus de nous apporter leur soutien institutionnel, ces derniers nous ont aidé à la diffusion des questions/réponses via leur site web ou les réseaux sociaux, et nous ont fait remonter des questionnements et interrogations du public, ainsi que des signaux provenant des professionnels de santé.
- Quels sont les objectifs de cette FAQ ? Constatez-vous un manque d’informations sur les questions qu’elle traite ?
Comme évoqué, l’objectif de cette FAQ était double : fournir des informations sur les médicaments en cours d’évaluation dans le traitement du Covid-19, et répondre aux questions que se posaient les patients sur leur propre traitement dans le contexte de l’épidémie. Dans ce contexte notre objectif initial était limité à quelques questions les plus brûlantes, en particulier les traitements de l’asthme, de l’hypertension, les traitements de la douleur, de la fièvre et de l’inflammation, les point sur les études cliniques en cours, et bien évidemment la question sur la ‘fameuse’ hydroxychloroquine. Cependant, via les différents systèmes de retour de questions, nous nous sommes vite aperçus que la demande d’information était beaucoup plus large. Nous avons par exemple reçu directement via le site plus de 600 questions du public. Même si celles-ci étaient souvent redondantes, à ce jour et en à peine 3 mois nous avons posté sur le site plus de 150 questions/réponses. En particulier, dans le contexte de tempête médiatique qui a brouillé considérablement les messages sur les traitements possibles du Covid-19, nous avons tenté de fournir une information la plus objective possible, basée sur des faits avérés, sur des méthodologies d’études cliniques valides et en dehors des polémiques. Tout ceci bien sûr dans un contexte de réactivité importante face aux nouveaux résultats ou aux nouveaux concepts, et bien souvent en réponse à l’apparition de nombreuses ‘fake news’. Pour cela, nous avons durant 3 mois maintenant la fréquence d’une réunion QUOTIDIENNE du comité éditorial, accompagnée d’un salon de discussion virtuel ouvert en permanence. Le résultat est que, à ce jour, nos questions réponses ont été consultées plus de 300 000 fois, sans compter l’impact de nos annonces sur les réseaux sociaux, ainsi que ceux relayés par le ministère des solidarités et de la santé, qui a par ailleurs labellisé notre site ‘innovation covid-19’. Nous avons également été amenés à intervenir dans de nombreux médias, presse, radio, TV, dans l’objectif constant de fournir des “avis d’experts”.
Par ailleurs, constatant une exposition (totalement inattendue) de la communication autour des résultats d’études cliniques caractérisées pour la plupart par des nombreuses ‘insuffisances’ méthodologiques, nous avons complété nos questions réponses par plusieurs ressources pédagogiques ‘grand public’ (FAQ et vidéos) présentant les bases de l’interprétation des études cliniques portant sur de nouveaux médicaments. Ces ressources particulières, que nous continuons à développer, ont bénéficié d’une audience particulièrement importante, démontrant là encore un besoin clairement non pourvu auparavant.
- Dans le cadre de l’évolution de la pandémie, comment envisagez-vous l’évolution de cette FAQ ? De nouveaux projets sont-ils à l’œuvre ?
Tout d’abord, le travail continue. Même si le flux de questions a diminué, nous maintenons une veille quotidienne, en particulier sur les nouveaux résultats des études cliniques en cours. En parallèle nous réfléchissons activement actuellement sur la possibilité de maintenir dans la durée un site d’information grand public autour du médicament, capable en particulier de répondre rapidement à de futures nouvelles crises sanitaires, qu’elles soient d’origine infectieuse ou autre. Ceci ne sera bien sûr possible qu’en continuant à associer les différents partenaires publics travaillant autour du médicament. Bien évidemment, la mobilisation exceptionnelle autour de ce site qui a été la nôtre durant cette période n’a été possible que dans le contexte particulier du confinement et de la mise en sommeil de nombre de nos activités habituelles (études cliniques hors Covid, enseignement, recherche, etc.) et ne pourra pas être maintenue à ce niveau lorsque ces activités retrouveront leur niveau normal. Il nous faudra donc dégager des moyens nouveaux pour atteindre ces objectifs.
- Souhaitez-vous ajouter quelque chose à destination du grand public ?
Durant ces périodes très particulières où la communication a été souvent mise à mal, n’oubliez jamais de maintenir votre esprit critique, documentez-vous, et bien évidemment visitez notre site https://sfpt-fr.org/covid19