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Rencontre avec une enseignante-chercheuse de l'Université

Sandrine Morin, maitresse de conférences en physique des matériaux

IUT d'Évreux, laboratoire PBS

"On se rend rapidement compte que le problème du manque de femmes dans les filières scientifiques est général, et qu’il y a beaucoup de freins dans l'évolution des carrières des femmes scientifiques."

  • Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?

Je m’appelle Sandrine Morin, je suis physicienne et je fais mes recherches en physique des matériaux. J’ai fait toutes mes études, dont ma thèse, à l’université de Rouen Normandie. Je suis un pur produit de l’URN. Je travaille actuellement à l’IUT d’Évreux où j’enseigne au département Mesures physiques, principalement en BUT, mais aussi à l’UFR Sciences et techniques. Par ailleurs, je fais ma recherche au laboratoire PBS (Polymères, Biopolymères, Surfaces) au sein de l’équipe BIOMMAT basée à Évreux. Nous travaillons sur les biomatériaux qui ont un but implantatoire pour faire des prothèses. Ma mission en tant que physicienne des matériaux est d’étudier les caractéristiques de surface de ces matériaux pour regarder comment les cellules vont venir adhérer et coloniser ces surfaces.

 

  • Sur quoi portent vos recherches plus exactement ?

C’est assez singulier car je suis une physicienne dans un laboratoire de chimie qui travaille aussi avec des biologistes. Nous sommes vraiment dans la transdisciplinarité. Il a fallu apprendre à parler avec des personnes qui n’ont pas la même culture scientifique et c’est cela qui est intéressant. La physique ouvre pas mal de champs.

Dans le travail sur les prothèses, il y a plusieurs étapes. Il y a le travail sur le matériau qui est le substrat qu’on va modifier. C’est ma partie. Je vais caractériser les surfaces, les paramètres auxquels sont sensibles les cellules. Je vais travailler sur la rugosité de la surface et ses propriétés mécaniques. Mon outil de caractérisation, c’est la microscopie à force atomique, en plus des autres microscopies. Ces surfaces sont modifiées par les chimistes avec des molécules, des polymères pour les rendre actives chimiquement. Le but est de faire des implants intelligents qui vont par exemple délivrer des molécules actives. Ensuite,  nos collègues biologistes  vont regarder le comportement des cellules sur la surface. L’ultime étape est celle des tests in vivo. Là, nous travaillons avec d’autres équipes de l’Université .

 

  • Au niveau de vos enseignements, que cherchez-vous à transmettre ?

À Évreux, que ce soit en BUT Mesures physiques ou à l’UFR Sciences et techniques, j’enseigne  la physique des matériaux, car c’est ma formation, ma spécialité. J’évoque, avec les étudiants et étudiantes, toutes les propriétés : mécaniques, optiques, thermiques, électriques, toutes les propriétés qui découlent de la structure des matériaux. J’ai réussi avec mes enseignements à  partager mes compétences en matériaux avec les étudiants.

 

  • Vous faites partie de l’association Femmes & sciences. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Femmes & Sciences est une association qui fait la promotion des femmes dans les carrières scientifiques, ainsi que la promotion des sciences auprès des jeunes filles. J’en suis adhérente depuis longtemps. Et comme l’association a grossi, ils ont nommé des personnes au niveau du territoire, avec un découpage en région. C’est ainsi que j’ai été nommée responsable pour la Normandie. Mais je suis aussi au bureau national. D’ailleurs, l’URN adhère, en tant que personne morale, à Femmes & Sciences. Elle soutient donc ses actions. Si je suis rentrée dans cette association, c’est parce qu’en tant que physicienne, je me suis rendu compte que, soit pendant ma thèse soit dans des congrès ou des conférences, il y avait très peu de femmes. Cela pose des questions d’être la seule femme dans des assemblées masculines. Question qui s’est aussi beaucoup posée en tant qu’enseignante, puisqu’en BUT Mesures physiques il y a très peu de filles. C’est tout cela qui m’a incitée à participer aux actions, d’abord au sein de la commission Femmes et Physique de la Société française de physique, et par la suite au sein de  de Femmes & sciences. Car finalement, on se rend rapidement compte que  le problème du manque de femmes dans les filières scientifiques est plus général, et qu’il y a beaucoup de freins dans l’évolution des carrières des femmes scientifiques. Les filières scientifiques où il y a beaucoup de filles, ce sont majoritairement les filières en biologie. Mais dans des filières plus techniques, technologiques ou numériques, elles sont bien moins nombreuses alors qu’elles ont tout autant  les compétences que les garçons.

L’idée des actions de Femmes et sciences est de donner aux plus jeunes des rôles modèles. C’est quelque chose qui manque beaucoup pour les jeunes filles. On se rend compte que c’est très important dans le choix de ses études, de pouvoir se projeter et donc de montrer qu’il y a des jeunes filles qui peuvent réussir dans ces parcours d’études et ensuite dans leurs carrières. Ce travail doit se faire dès l’école primaire. Femmes & sciences fait plein d’actions pour la promotion des sciences auprès des jeunes filles. Il y a les mises en avant de ces rôles modèles, notamment grâce à des prix comme le Prix Janssen proposé à l’URN, il y a des expositions comme « La Science taille XX elles » qui avait été accueillie par l’université de Rouen Normandie l’an dernier. Il y a aussi une grosse action sur le stage de troisième pour inciter les jeunes filles à aller s’intéresser aux sciences et aussi inciter les laboratoires ou les entreprises à accueillir des jeunes en groupe. Avec Femmes et physique nous portons également des actions pour l’année de la physique. Nous avons fait une bande dessinée. Elle s’appelle Passion physique et montre l’aventure de six jeunes scientifiques. L’idée est de montrer que la physique est passionnante, qu’il y a plein de domaines vraiment très sympathiques et qu’il y a plein d’enjeux pour l’avenir.

 

  • Prochainement, vous proposez également au Campus Sciences et ingénierie du Madrillet une conférence sur la physique quantique, Louis De Broglie et le caractère ondulatoire de la matière. Pourquoi avoir organisé cette conférence ?

Il existe une section locale normande de la Société française de physique. Avec mes collègues du bureau de cette section locale, nous organisons régulièrement des conférences. Le but est d’ouvrir un peu à la culture de la physique, de sortir de son domaine de spécialité. Cette année, c’est le centenaire de l’équation de Louis de Broglie. C’était un physicien normand, Prix Nobel de physique en 1929, qui a écrit l’équation qui décrit la dualité onde-corpuscule. Nous voulions commémorer cet événement qui tombe à la fois sur le centenaire de cette équation et sur les 150 ans de la Société française de physique, dont Louis de Broglie a également été le président. Pour l’occasion, nous invitons Isabelle Deloncle, une physicienne du laboratoire Irène Joliot-Curie (CNRS/IN2P3, de l’Université Paris-Saclay et de l’Université Paris-Cité). L’idée est d’avoir une présentation sur l’histoire des sciences. Comment on en est arrivé où on en est aujourd’hui ? L’histoire des sciences, c’est passionnant. C’est une conférence grand public. Le but n’est pas de rentrer dans des équations compliquées, mais de montrer le cheminement,  comment ces nouvelles théories ont fait évoluer la physique. Petit à petit, on change la façon de voir les choses, ce qui permet d’avancer vers de nouvelles découvertes.