Fermer le menu

Rencontre avec un enseignant-chercheur de l'Université

Nicolas Praquin, Professeur des universités à l’IAE Rouen Normandie

IAE Rouen Normandie - Responsable du Diplôme d'université de Management de l'Économie circulaire

"L’économie circulaire constitue l’une des manières d’agir et de transformer nos économies ; il est donc nécessaire que les acteurs économiques s’en emparent et, pour cela, ils ont besoin d’être formés aux différents aspects de cette économie."

  • Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?

Je suis enseignant-chercheur au sein de l’IAE Rouen Normandie où je suis arrivé l’an passé après avoir travaillé dans trois universités parisiennes. J’y suis notamment en charge de la mise en œuvre de la DDRS, en tant que référent.

 

  • Vous faites partie du laboratoire NIMEC. Sur quoi portent vos recherches ?

Le NIMEC est un laboratoire de sciences de gestion. Spécialisé initialement en histoire de la gestion et en particulier en histoire de la comptabilité, je travaille depuis 10 ans sur les questions de transitions des organisations ; mes questions de recherche portent notamment sur les objets suivants : les communs, la low-tech, l’intelligence collective, le corps, les comptabilités écologiques, l’économie circulaire, la spiritualité.

 

  • Au niveau de l’enseignement, qu’aimez-vous transmettre à vos étudiants ?

J’aime à leur transmettre le goût de l’apprentissage, leur faire découvrir de nouvelles disciplines, leur ouvrir de nouveaux horizons de pensée. Je goûte particulièrement à l’échange, au questionnement qu’ils peuvent avoir sur ce que j’enseigne. J’apprécie particulièrement de les voir comprendre ce qui leur semblait obscur ou incertain.

 

  • Vous êtes responsable du nouveau diplôme d’université (DU) de Management de l’Économie circulaire. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Ce DU de Management de l’Économie circulaire est inspiré d’un précédent DU que j’avais créé à l’Université Paris-Saclay où j’étais en poste précédemment. Il a été monté très rapidement avec l’équipe de l’IAE que je souhaite remercier à cet égard pour leur implication.

Ce DU vise à former des généralistes de l’économie circulaire à même d’accompagner des structures et/ou des territoires désireux de transformer leurs modèles économiques souvent pris dans des logiques linéaires. Il est constitué de 6 modules de 3 jours (intelligence collective, connaissance de l’anthropocène, outils réglementaires et techniques, modèles économiques et cycles de vie, modèles économiques vertueux, écosystème résilient) complétés de visites de lieux inspirants et de conférences.

Il est ouvert à tout postulant titulaire d’une licence au minimum, uniquement en formation continue. Il se déroule de janvier à juin de chaque année et permet aux salariés de continuer leur parcours professionnel en l’enrichissant de cette formation.

 

  • En quoi est-ce important, voire essentiel, de proposer un DU sur un nouveau modèle économique qui prend en compte les transitions socio-écologiques ?

Notre système-terre est constituée de ressources limitées alors même que nos modèles économiques sont fondés depuis près de deux siècles sur des représentations d’un monde aux ressources infinies. Nous savons tous qu’une telle situation n’est pas tenable et se dégrade, de façon accélérée, de jour en jour ainsi qu’en témoignent le franchissement régulier des limites planétaires et l’avancement annuel du jour du dépassement.

Il est donc indispensable de repenser nos modèles économiques afin qu’ils tiennent compte de ce changement de paradigme. L’économie circulaire constitue l’une des manières d’agir et de transformer nos économies ; il est donc nécessaire que les acteurs économiques s’en emparent et, pour cela, ils ont besoin d’être formés aux différents aspects de cette économie qui comporte à la fois un cadre réglementaire et légal d’une part, ainsi que des représentations et des façons de faire différente de l’économie linéaire.

Le but de ce DU est de favoriser la diffusion et l’implémentation de l’économie circulaire dans toutes les strates socio-économiques ; sont certes concernées les entreprises, mais aussi les collectivités locales, les institutions publiques ou le secteur associatif.

 

  • Lorsqu’on pense “économie”, l’économie de marché est la première chose qui vient à l’esprit. Comment l’économie circulaire et ses enjeux intègrent-ils cette notion ?

C’est une vraie question et il y a débat aujourd’hui quant à savoir si l’économie circulaire fait partie de l’économie de marché… ou pas. Il faut savoir qu’au niveau mondial, l’économie circulaire ne représente que 5% de l’économie ; la marge de progression est donc substantielle. Par ailleurs, l’économie circulaire est une économie qui nécessite souvent beaucoup plus de main d’œuvre que l’économie linéaire ; il est effectivement – et malheureusement – plus aisé en termes de process et moins coûteux de jeter que de recycler, réutiliser ou réduire. L’économie circulaire est donc une économie souvent, pour partie, hors du marché, car moins compétitive et subventionnée directement ou indirectement (emplois aidés, soutiens institutionnels, etc.).

L’enjeu n’est pas tant de savoir si l’économie circulaire est d’être dans ou en dehors du marché que d’avoir conscience qu’elle réduit considérablement les externalités négatives et est donc, en ce sens, plus vertueuse que l’économie linéaire.

Au-delà d’être un modèle économique, l’économie circulaire nous invite à reconsidérer notre rapport au monde et les valeurs qui y sont véhiculées. Pour le dire autrement, l’économie circulaire est aussi une invitation à plus de sobriété, de respect du vivant et de prise en compte des générations futures.

Mettre en œuvre l’économie circulaire est donc à la fois une nécessité vitale et un programme de transformation sociale et économique d’un système économique qui arrive à bout de souffle.

Pour aller plus loin