Maxime Blin, responsable de la BU d’Évreux
Service commun de documentation (SCD)
"Il n'y a rien de tel que de recevoir une nouvelle commande, de feuilleter des livres neufs et de se rendre compte de ce que l'on va pouvoir faire découvrir à nos étudiants et personnels."
- Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?
Je m’appelle Maxime Blin et je suis responsable de la bibliothèque universitaire (BU) d’Évreux depuis la rentrée 2023. Je gère le quotidien de cette bibliothèque qui est particulière puisqu’elle se trouve sur un campus géographiquement éloigné alors qu’elle fait partie des six bibliothèques universitaires du Service commun de la documentation (SCD) qui centralise l’ensemble de notre politique et de nos actions. La principale difficulté, c’est d’être inscrit sur le campus et dans le territoire d’Évreux tout en ayant la même politique et des liens très forts avec les autres bibliothèques de Rouen, Saint-Etienne-du-Rouvray et Mont-Saint -Aignan.
Mon rôle est surtout celui de bibliothécaire. C’est l’achat de livres, c’est la valorisation d’ouvrages et de ressources numériques. L’Université dépense énormément d’argent pour les ressources numériques, donc il faut les valoriser. Depuis la réouverture du site en 2021, nous cherchons aussi à proposer de nouveaux services plus en adéquation avec les filières particulières d’Évreux. Mon travail, et celui de l’équipe, c’est de faire vivre cette bibliothèque au rythme du calendrier universitaire, de notre politique d’action culturelle puisqu’on a un grand nombre d’expositions qui ont lieu dans la bibliothèque, c’est de la production de contenu, c’est de la gestion d’équipe.
J’ai un parcours qu’on pourrait qualifier d’atypique. J’ai fait des études d’histoire et d’histoire de l’art. Je suis d’abord passé par le monde des musées et j’ai fini par m’orienter dans les bibliothèques quand j’en ai eu l’occasion. Je considère que ce sont des filières très proches, même si on n’y gère pas des œuvres mais des livres, c’est exactement le même principe. Il y a les mêmes inquiétudes de services publics des usagers, du maximum d’ouverture, de la protection des biens, des locaux et des personnes, ainsi que l’idée de se faire connaître par de l’action culturelle.
Quand on est responsable d’une BU, que fait-on exactement ?
Il y a déjà tout le volet administratif de l’établissement : les ressources humaines mais aussi la gestion financière puisqu’on engage un certain nombre de commandes, on renouvelle du mobilier, on monte tous les ans des projets CVEC. Nos étudiants sont très sensibles de voir ce que donne leur contribution CVEC. D’ailleurs, en janvier, nous allons lancer un grand plan de communication pour la nouvelle salle numérique de travail en groupe intégralement financée par la CVEC. Ensuite, mon travail au quotidien, c’est quand même de gérer des collections. C’est le cœur de notre métier et je tiens à continuer cette partie parce que c’est très important. Il faut qu’on soit au courant de ce qu’on achète pour pouvoir en parler.
La bibliothèque universitaire est publique. Ce qui veut dire qu’elle est ouverte à tout le monde. C’est vraiment quelque chose de primordial. Vous pouvez venir lire le journal. Vous pouvez vous poser dans un coin, utiliser nos services, même si vous n’êtes pas étudiant. Nous avons des collections en rapport avec toutes les filières du campus : l’INSPE ou la gestion des entreprises et des administrations ainsi qu’en gestion RH par exemple. Nous avons un petit fond d’histoire parce que la culture générale est importante et un gros fond de science avec de l’anatomie, de la nutrition, du génie biologique, ainsi qu’un petit peu de sociologie. Enfin, nous avons un fond de divertissement, avec des albums jeunesse, des romans pour adolescents et également une grande collection de bandes dessinées. Cela va des BD de biologie ou de ressources humaines à l’ensemble des Astérix.
Mon travail c’est également de réfléchir à long terme à l’avenir de cette bibliothèque, de ses services et de son inscription sur le campus, à la fois en développant de nouveaux services, mais aussi en réfléchissant à l’organisation générale des espaces. Nous travaillons énormément sur ce qu’on appelle le zonage, donner un sens et un caractère particulier à chaque espace de la bibliothèque. Dans une BU, il n’y a pas que des livres. Il y a des espaces numériques de travail en groupe. Nous avons inauguré l’année dernière le petit salon, un espace de pause et de divertissement avec du mobilier adapté, confortable, pour discuter à voix basse. Nous devons avoir une vision stratégique de la bibliothèque à l’échelle du campus. La particularité d’Évreux, c’est que le campus est scindé en deux sites, le site de Tilly et le site de Navarre. Cela implique un certain nombre de contraintes qu’il faut surpasser.
- Si on pense BU, on pense automatiquement aux livres, mais ce n’est pas uniquement ce qu’on y trouve. Pourquoi proposer d’autres animations, des expositions, etc ?
C’est très intéressant et c’est fondamental. La BU est un peu le référent culturel du campus d’Évreux. Nous avons la compétence métier, nous avons le savoir-faire et nous avons les collections qui permettent de monter de tels projets. Nous sommes là pour garantir ou du moins amorcer une certaine synergie entre les services. Nous voulons valoriser des départements bien particuliers, des actions de professeurs, des partenariats avec des laboratoires. Nous venons d’inaugurer une grande exposition sur la Tour Eiffel. Nous avons travaillé avec un laboratoire scientifique de Navarre qui nous a fait quelque chose sur l’hygrométrie et le tonnerre qui tombe sur la Tour Eiffel. À chaque exposition, nous valorisons des départements, et notamment le département packaging qui est un cas unique à l’université de Rouen Normandie. Il réalise pour nous tout un ensemble de matériel de communication, des impressions pour nos actions culturelles.
Il faut aussi noter que nous sommes de plus en plus identifiés au niveau du territoire comme vecteur culturel. Nous avons monté un certain nombre d’expositions qui sont itinérantes. Certaines ont été présentées à la médiathèque d’Evreux. Nous travaillons avec l’office du tourisme, avec la direction de la culture d’Évreux-Porte de Normandie ou encore le musée d’Évreux. Nous avons aussi travaillé avec la base aérienne qui organise des conférences et sommes le relais des différentes sociétés d’érudits et sociétés locales d’histoire. Nous essayons vraiment de nous inscrire dans le territoire, d’autant plus qu’Évreux va probablement recevoir prochainement le label « ville et pays d’art et d’histoire ».
- La BU a un rôle central dans une université, que ce soit géographiquement ou thématiquement. Comment travaillez-vous avec d’autres acteurs, que ce soit des partenaires extérieurs, des composantes, le SCD ou d’autres BU du réseau de l’URN ?
Avec les cinq autres BU de l’université de Rouen Normandie, c’est un travail quotidien. Grâce au SCD, nous avons une commission action culturelle où toutes les BU sont représentées. Nous y siégeons tous. Cela permet d’avoir une programmation à l’échelle du Service commun de documentation qui est diffusée sur tous les campus. Cela veut dire que des étudiants qui sont à Évreux vont connaître la programmation de la BU de l’INSPE, par exemple, et vice-versa. C’est très important pour nous puisque nous mutualisons nos moyens, nos forces et nos compétences.
Comme je le disais avant, nous essayons aussi de nous inscrire dans le territoire. Pour cela, nous avons monté une grande exposition sur l’histoire de la parcelle qu’occupe l’Université, du XIe siècle à nos jours. Tout le monde savait que juste avant l’Université, il y avait eu la caserne de cavalerie mais beaucoup moins de personnes savaient qu’avant il y avait une abbaye sur cette parcelle. Nous avons donc monté une grande exposition d’une dizaine de panneaux. Celle-ci est itinérante. Elle a été présentée à la médiathèque, à l’office du tourisme, elle est parfois accompagnée d’une conférence. Cela permet de rencontrer les érudits locaux mais aussi les Ébroïciens qui, assez souvent, ont connu un parent qui a fait partie de la cavalerie au moment de la caserne militaire ou qui s’intéresse à l’histoire d’Évreux. C’est souvent le moment où les habitants découvrent que c’est public, qu’ils peuvent accéder à l’Université et à sa bibliothèque. C’est en hébergeant des manifestations, en étant un petit peu une bibliothèque « hors les murs », que nous arrivons à tisser des liens, à nous faire connaître et donc à nous inscrire dans le territoire.
- Que préférez-vous dans votre travail ?
Il y a trois éléments principaux qui me font me lever le matin. Le premier c’est le contact avec le public et la diversité des demandes qui nous permettent d’avoir la satisfaction du travail bien fait. Nous avons des demandes de recherche de livres plus ou moins pointues, des fois assez farfelues et nous mettons tout en œuvre pour satisfaire cette recherche bibliographique. Le deuxième point c’est la gestion des collections. Il n’y a rien de tel que de recevoir une nouvelle commande, de feuilleter des livres neufs et de se rendre compte de ce que l’on va pouvoir faire découvrir à nos étudiants et personnels sur de nouvelles thématiques. Il y a aussi une satisfaction de service public, avoir pu répondre le plus précisément possible à la demande de telle ou telle personne, parfois recevoir des manuels ou des livres qui sont sortis depuis à peine une semaine et qui sont déjà dans les rayonnages. Le troisième élément c’est la valorisation sous toutes ses formes. C’est l’action culturelle, c’est la mise en avant de nos livres sur des présentoirs parce que cela donne l’occasion de les redécouvrir, c’est le plaisir que l’on a des fois à passer entre les rayonnages et à se dire que nous avons un ouvrage génial que l’on va pouvoir conseiller à un étudiant ou un enseignant quand il repassera.
- Quelles sont les prochaines actualités, les prochains événements de la BU d’Évreux ?
Le 16 novembre nous avons lancé notre grande exposition sur Gustave et la Tour Eiffel. Nous avons conçu un grand panneau de 5m25 sur 1m20, une grande bâche qui retrace toute l’histoire de la construction de l’édifice, depuis les premiers projets et l’idée de faire une exposition universelle, jusqu’à 1930, date à laquelle la Tour Eiffel ne sera plus le plus haut monument du monde. Cette bâche est accompagnée de tout un ensemble de Tour Eiffel qu’on a eu la chance de récupérer. Il y a également une Tour Eiffel créée par le département packaging. Elle est en carton et mesure 2m20. Nous présentons également un livre habituellement conservé dans les fonds anciens de la bibliothèque universitaire Lettres, SHS, STAPS et sciences, signé pas Gustave Eiffel.
Nous avons une deuxième actualité, la nouvelle salle numérique de travail en groupe qui est un projet CVEC. C’est une belle fierté. C’est une salle qui se trouve au fond de la bibliothèque et qui avait été abandonnée depuis la réouverture à la suite des travaux de restauration à cause du bruit ambiant. C’était une grosse caisse de résonance affreuse pour travailler. Après 18 mois, nous avons réussi à l’aménager correctement. Elle a été intégralement recouverte de panneaux anti-réverbération acoustique et quatre îlots ont été installés. Trois avec des grands écrans numériques sur lesquels les étudiants peuvent se brancher et un dernier avec un vaste écran tactile et un système de visioconférence. Depuis son ouverture, la salle ne désemplie pas.
Globalement, pour chaque projet, nous essayons de travailler en concertation et d’être à l’écoute des besoins. Nous faisons des enquêtes, des sondages auprès des étudiants qui fréquentent assidûment la bibliothèque. Nous cherchons toujours à savoir comment nous pouvons améliorer la BU. Par exemple, certains nous ont dit que cela manquait de verdure, nous avons acheté des plantes pour les mettre sur chaque table de travail du petit salon et les disséminer un peu partout dans le reste de la bibliothèque. Nous sommes très attentifs aux besoins étudiants et nous prenons très souvent la température auprès d’eux. C’est aussi un de mes rôles en tant que responsable de monter ces petits groupes de travail autour d’un goûter et d’amener des étudiants à réfléchir sur la BU. Il ne faut pas que nous soyons déconnectés. Nous ne sommes plus dans une BU où les bibliothécaires sont les sachants et écrasent l’étudiant en disant « voilà ce qu’il faut lire ». Ils nous apportent tout autant que nous leur apportons et nous travaillons main dans la main. Je ne sais pas si c’est faisable dans toutes les BU mais ici, compte tenu de la taille modeste de la bibliothèque, nous pouvons nous permettre d’avoir ce fonctionnement qu’on pourrait qualifier de familial.