Marie-Pierre Tavolacci, Médecin épidémiologiste au CHU de Rouen et à l’unité INSERM 1073
Médecin épidémiologiste au CHU de Rouen et à l’unité INSERM 1073.
"Le bien-être des étudiants, déjà un sujet majeur bien avant la pandémie COVID-19, dépend d’un équilibre entre plusieurs éléments comme la réussite académique, le soutien amical et familial, les difficultés financières, ou encore des problèmes de santé..."
- Dans quel cadre avez-vous réalisé l’étude portant sur “l’impact de la pandémie Covid-19 sur les comportements en santé des étudiants” ?
En tant que Médecin épidémiologiste au CHU de Rouen et à l’unité INSERM 1073 de l’université de Rouen Normandie, la santé des étudiants est depuis de nombreuses années au cœur de notre programme « Ta Santé en un Clic » avec des actions de promotion de la santé (forums, site www.tasantenunclic.org, Facebook) et aussi avec nos travaux de recherche sur les comportements en santé et le bien-être des étudiants. Il nous est donc apparu évident de mesurer l’impact de la survenue de la pandémie COVID-19 et du premier confinement sur la santé des étudiants. Cette étude s’inscrit plus largement dans une collaboration internationale avec 26 autres pays.
- Concernant l’échantillon, pouvez-vous nous en dire plus sur le panel de l’enquête ?
Les étudiants ont été sollicités pour participer à l’étude en mai 2020 par un mail de l’université de Rouen Normandie. Ceux qui le souhaitaient répondaient de manière totalement anonyme au questionnaire en ligne. Nous avons ainsi eu plus de 3500 étudiants volontaires des différents cursus et différentes années qui ont participé à l’étude.
- Quelles sont les résultats significatifs de cette enquête ?
Concernant les comportements à risque comme le binge drinking (alcoolisation ponctuelle importante) celui-ci a largement diminué pendant le confinement passant de plus d’un tiers des étudiants avant la pandémie à moins d’un étudiant sur dix pendant le confinement. Malgré cette évolution globalement favorable, certains étudiants ont augmenté leur consommation, surtout les étudiants stressés de ne pas réussir leur année académique ou ceux avec un score de dépression élevé. L’activité physique a aussi diminué comme attendu suite aux restrictions de déplacement à 1 km, même si l’activité physique intense a pu être presque compensée à domicile, surtout chez les étudiants les plus stressés par la pandémie COVID-19. La même étude, un an après, vient d’être reconduite en mai 2021 et nous permettra ainsi de suivre l’évolution des comportements de santé chez les étudiants (International Journal of Environnemental Research and Public Health 2021, 18, 4346 doi: 10.3390/ijerph18084346).
- Quelles sont les préconisations « bien-être » à mettre en place à destination des étudiants au sein de l’Université selon vous ? Quel ressenti avez-vous sur l’isolement des étudiants pendant cette période ? Quelles solutions ont-ils trouvées pour faire face à cette situation ?
Le bien-être des étudiants, déjà un sujet majeur bien avant la pandémie COVID-19, dépend d’un équilibre entre plusieurs éléments comme la réussite académique, le soutien amical et familial, les difficultés financières, ou encore des problèmes de santé… Pour de nombreux étudiants cet équilibre déjà fragile a été mis à mal par la pandémie COVID-19 qui a engendré un stress post-traumatique chez près d’un étudiant sur trois. La population étudiante constitue donc une population vulnérable pour laquelle il serait intéressant de développer des interventions de prévention sous forme de forums avec des étudiants-relais, mais aussi de faciliter la possibilité d’échanges individuel avec des professionnels (psychologues, diététiciens, infirmier…) ou encore avec des étudiants-experts. Par ailleurs, la sensibilisation des enseignants à cette souffrance possible des étudiants paraît aussi importante afin de garder un enseignement bienveillant. Certaines choses sont déjà mises en place comme les séances de sophrorelaxation sur les campus de Mont-Saint-Aignan, Martainville et Évreux, l’acupuncture sur Mont-Saint-Aignan et bientôt sur Évreux, la possibilité d’échanger avec les infirmiers en venant y compris sans rendez-vous ou de voir l’assistante sociale, psychologues ou médecins du SUMPPS sur rendez-vous.