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Rencontre avec un personnel de l'Université
Béatrice Dauvergne, agent des bibliothèques
En charge de l'entretien et de la conservation du fonds patrimoine de la BU Santé
"Ce que craint le document ancien, c'est la lumière et la poussière qui amène des bactéries. Quand il y a beaucoup de poussière dans le livre, le papier s'abrase et se détruit."
- Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?
Je m’appelle Béatrice Dauvergne et je suis en charge de l’entretien et de la conservation du fond patrimoine de la BU Santé. Presque toutes les bibliothèques universitaires de l’URN possèdent un fonds ancien. Il y a plusieurs étapes dans ce travail : l’entretien, le dépoussiérage, tout ce qui concerne la conservation, le catalogage et la valorisation. Tout est lié. Il n’y a pas de valorisation d’un fonds ancien s’il n’y a pas eu l’entretien et le catalogage au préalable.
Cela fait 20 ans que je travaille en bibliothèque. J’étais dans une médiathèque et en 2012, je suis venue à l’université. Je me suis formé autour des fonds anciens, car au départ je n’y connaissais pas grand-chose. Le papier, la matière, m’intéressait et j’ai fait deux ans d’études de restauration de papier ancien. À partir de là, j’étais beaucoup plus à l’aise pour m’occuper de la conservation et de l’entretien.
Ce qui m’intéresse dans le patrimoine écrit, c’est surtout le rapport à la notion du temps. On a un regard sur le passé et sur le futur. C’est mon moteur. Ce que j’aime avec un livre ancien, c’est à la fois l’objet en lui-même, par rapport au cuir, au papier, la beauté de l’ouvrage, mais également le contenu.
Lorsqu’on est en charge d’un fonds patrimoine, nos références, c’est la BNF (Bibliothèque nationale de France). C’est un métier qui évolue. Il ne faut pas se contenter de son savoir, mais se tenir au courant des avancées dans le domaine. Les questions que l’on doit se poser pour chaque ouvrage sont dans quel état de conservation se trouve le document, quel est son degré de fragilité, quelles solutions doit-on apporter pour maintenir et prolonger son état de conservation.
- Combien d’ouvrages la BU Santé compte-t-elle dans son fonds ancien ?
Nous avons environs 6 000 ouvrages. D’ailleurs nous venons d’en acquérir quelques nouveaux. Souvent ces dons proviennent de la collection personnelle de médecins enseignants et/ou directeurs de l’École de médecine. C’est le cas de ceux du Docteur Henri Pillore (1807-1855), qui a d’abord légué sa bibliothèque personnelle puis deux autres legs financiers, dont une partie permettra d’acheter des ouvrages pour l’École de médecine et de pharmacie jusqu’à la fin XIXe siècle. La plupart de nos ouvrages sont du XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Nous avons aussi trois ouvrages du XVIe siècle dont un que nous venons d’acquérir et qui date de 1560. Les livres de l’école de médecine sont des manuels d’anatomie, de chirurgie, de pathologie, de grossesse et accouchements, de pharmacie, de chimie et de botanique.
- Quel est le processus lorsque vous recevez un nouveau livre ?
Mon métier est très technique. Dans l’entretien, il ne faut pas aller trop loin. Il faut savoir s’arrêter. Pour le livre de 1560 que nous venons d’acquérir, de par son ancienneté, il faut y aller très doucement. Des formations sont nécessaires pour acquérir les gestes de manipulations spécifique aux livres anciens.
En premier lieu, il faut choisir les méthodes de dépoussiérage en fonction de la nature et de l’état du document. Les gestes sont bien précis. La nécessité de se protéger est aussi une notion importante. Il faut porter un équipement, masques, blouse, gants en vinyle, nous n’utilisons plus de gants de coton car on s’est rendu compte que ça amenait des bactéries. Ce dépoussiérage peut également se faire à l’aspirateur. Nous ne faisons pas de lavage de livres. Il existait des pratiques à l’eau et au savon, sur les couvertures, mais une note de la BNF a préconisé d’arrêter le savonnage et de se contenter d’enlever la poussière superficielle.
Il faut également conserver certains de ces livres en boîte. Il faut savoir que la poussière superficielle peut être enlevée, mais pour la poussière incrustée dans le papier, ce n’est pas même la même chose. Cela devient une procédure de restauration qui n’a rien à voir avec notre métier en bibliothèque. Nous n’avons pas le matériel et les personnes formées pour faire de la restauration. Par exemple, s’il y a des petites déchirures, je ne suis pas favorable à les réparer, parce que c’est vraiment une technicité particulière, un autre métier. Nous, nous recevons le livre, nous le dépoussiérons, nous le conservons dans des boîtes de conservation adéquates, à des températures adéquates. Et déjà, nous avons fait un grand pas. Un livre qui est conservé en boîte, nous prolongeons sa vie d’une cinquantaine d’années.
Ce que craint le document ancien, c’est la lumière et la poussière qui amène des bactéries. Quand il y a beaucoup de poussière dans le livre, le papier s’abrase et se détruit. Nous faisons également attention aux règles au niveau des vitrines, quand nous faisons de la valorisation. Nous avons fait mettre des lampes froides, nous les exposons très peu de temps, nous demandons de faire attention lorsqu’on tourne les pages.
- Qui consulte ces ouvrages ?
Ils sont consultables par tout le monde. Récemment nous avons eu le groupe d’histoire des hôpitaux de Rouen qui est venu. Mais nous voulons vraiment valoriser ce fonds afin qu’il soit plus connu et reconnu. Nous commençons tout juste la valorisation parce qu’il y a eu un travail très long d’entretien et de catalogage. Maintenant, nous nous attaquons à la valorisation. Cela fait deux ans.
La plupart des gens qui viennent consulter les ouvrages sont des chercheurs. Ou des historiens, des médecins à la retraite qui deviennent historiens. Mais les étudiants, par contre, sont très curieux. Ils ne savaient pas que cela existait. Mais désormais, ils ont des réactions sympathiques. Ils parlent de vieux grimoires.
- Que préférez-vous dans votre travail ?
Il y a deux choses qui me viennent à l’esprit. La première c’est l’entretien. J’aime prendre un livre et le nettoyer. C’est très valorisant. La sensation est géniale. Le dernier livre que j’ai nettoyé, celui de 1560, il y a une sorte de passation avec les futures générations.
La deuxième chose, c’est la valorisation. C’est un petit peu la consécration par rapport au travail que j’ai effectué avant. Une fois tout ce travail fait, on peut enfin le valoriser et organiser des expositions. La dernière exposition était sur le Dr Raoul Brunon, médecin rouennais et fondateur du Musée Flaubert. Cela nous a justement permis de travailler avec le Musée Flaubert et d’histoire de la médecine. C’est une collaboration par rapport à la valorisation qui est très intéressante. Ces partenariats élargissent notre champ par rapport à l’action culturelle de l’université et qui permettront peut-être de faire mieux connaître le patrimoine écrit de nos bibliothèques aux étudiants.
La nuit de la lecture à l'URN
À l’URN, la nuit de la lecture aura lieu à la BU Lettres SHS STAPS Sciences, le jeudi 23 janvier 2025, de 17h à 21h.
Les nuits de la lecture sont organisés par le Centre national du Livre sous la tutelle du Ministère de la culture. Pour cette édition 2025, qui est la 9e, les organisateurs ont retenu « les patrimoines » comme thématique.
Le SCD (Service commun de documentation) participe aux nuits de la lecture et s’est emparé de cette thématique pour proposer une soirée consacrée à la mise en valeur de nos collections patrimoniales.
Le programme de cette soirée comprendra des visites des réserves de la BU Lettres SHS STAPS Sciences, une présentation d’ouvrages patrimoniaux de nos BU du XVIe au XIXe siècle et surtout une table-ronde réunissant Malcolm Walsby, spécialiste de l’histoire du livre imprimé et des bibliothèques et enseignant d’histoire du livre à l’Enssib, Philippe Brunet, hélleniste, metteur en scène et professeur de grec ancien à l’université de Rouen Normandie, Anne-Bénédicte Levollant, directrice adjointe et responsable du pôle patrimoine des bibliothèques de la ville de Rouen et Christelle Quillet, directrice du SCD de l’URN.
Les acteurs de cette table-ronde réagiront à des lectures de textes centrés sur l’histoire du livre et des bibliothèques.