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Programme EMILE : accompagner les personnes en situation de mal-logement

Le programme EMILE, lancé par la délégation interministérielle Hébergement Accès au Logement, propose à des personnes mal logées un emploi et un logement social dans des régions réputées en manque de main-d’œuvre. Analyse avec la sociologue Violaine Girard, maîtresse de conférences à l’université de Rouen Normandie.

En 2019 est lancé le programme EMILE pour « Engagés pour la mobilité et l’insertion par le logement et l’emploi ». Il est mis en œuvre dans le cadre du Plan d’Investissement dans les Compétences (PIC) du ministère du Travail jusqu’en 2023, puis inscrit dans le Pacte des solidarités. Il a pour objectif d’aider les personnes mal logées d’Île-de-France, à trouver un emploi et un logement au sein des départements marqués par un faible dynamisme démographique. Pour évaluer scientifiquement ce projet, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des Statistiques (Dares) du ministère du Travail a retenu Violaine Girard, maîtresse de conférences en sociologie à l’université de Rouen Normandie et membre de l’unité de recherche Dysolab, et son équipe. « Nous avons eu accès au système d’information de ceux qui s’inscrivent dans le programme. Nous avons transformé ces informations administratives en une base de données pour nos analyses. Nous avons également mené de nombreux entretiens avec les professionnels et les individus mal-logés », ajoute Violaine Girard. Les chercheurs ont pu ainsi étudier les différents profils et leur évolution au cours des étapes du projet, car tous les inscrits ne décident pas de quitter l’Île-de-France.

Quitter des situations de mal-logement...

Le rapport des sociologues met en lumière le fait que ce programme fournit des parcours stabilisants et permet à certains ménages bénéficiaires de quitter des situations de mal-logement : fin d’hébergement dans des hôtels sociaux ou foyers, appartement trop petit ou surpeuplé, séjour chez des tiers ou dans des habitats insalubres. « Quand les enfants sont en jeu, la stabilité résidentielle est un enjeu déterminant. Les personnes du programme ont alors la possibilité de leur offrir de meilleures conditions de vie, comme de leur donner accès à leur propre chambre par exemple », explique la sociologue.

…mais pas sans renoncements

Mais cet éloignement géographique implique de nombreuses contraintes, qui ne sont pas toujours compensées par la promesse d’un emploi ou d’une habitation. Les personnes concernées par le mal-logement se créent en effet là où elles résident un réseau de connaissance local qui leur permet de faire garder leurs enfants, de pouvoir accéder à certains emplois. En Île-de-France, l’accès au soin est facilité, tout comme le suivi social. « Les individus en situation de grande précarité ou vulnérabilité sociale ne font pas des choix, mais des arbitrages. Parfois, rester dans une région où ils ont des ressources relationnelles vaut mieux que de partir », développe Violaine Girard. Sans compter que les postes visés par ce dispositif sont souvent précaires, car peu qualifiés, et associés à de la pénibilité dans les conditions de travail. Elle poursuit : « les hommes sont embauchés dans la production, la logistique, la restauration ou les abattoirs par exemple. Les conditions de travail sont très difficiles. Les femmes sont surtout orientées vers les métiers du care : aide-soignante, aides à domicile ». Des métiers parfois plus durs à exercer en régions où il faut se déplacer chez les particuliers alors que les réseaux de transports restent moins denses qu’en Île-de-France, où les structures sont collectives. Ces femmes n’ont parfois pas les moyens d’avoir une voiture pour faire ces trajets.

« Notre étude va permettre aux acteurs publics de réfléchir à comment mieux accompagner les parcours de mobilité, si l’on souhaite développer des pistes pour lutter contre le mal-logement. Mais pour cela, il est indispensable de comprendre les trajectoires des personnes en situation de précarité », conclut la chercheuse.

Date de publication : 31/03/25