Lors des grands rassemblements internationaux (cérémonies officielles, évènements sportifs comme les Jeux olympiques, religieux…) l’identification et la traque de virus émergents à potentiel épidémique sont cruciales pour prévenir la propagation épidémique voire pandémique d’agents pathogènes.
C’est le rôle confié spécifiquement par les autorités de santé à quelques laboratoires en France. Toutefois, l’organisation de ce rôle sentinelle n’est pas laissée au hasard : la formation des équipes, la récurrence des entraînements et la maintenance d’équipements de pointe font partie intégrante des pratiques de ces laboratoires habilités à gérer les risques biologiques émergents.
Nous vous emmenons dans l’un de ces laboratoires de haut niveau de sécurité pour découvrir l’organisation minutieuse des équipes formées au risque biologique épidémique.
Un cadre réglementaire face aux risques biologiques épidémiques
Bien qu’il existe plusieurs définitions du risque biologique épidémique, les autorités internationales s’accordent à dire qu’il s’agit d’un danger pour la santé des êtres vivants résultant d’une exposition répétée ou accrue et inattendue à une source déjà identifiée, ou inconnue s’il s’agit alors d’un risque émergent.
En conséquence, ce risque porte une menace sur la santé publique puisqu’il est susceptible d’engendrer une augmentation de la demande de soins qui va alors perturber l’organisation courante.
En conséquence, ce risque porte une menace sur la santé publique puisqu’il est susceptible d’engendrer une augmentation de la demande de soins qui va alors perturber l’organisation courante.
Ce risque est généralement identifié par les autorités de santé, comme les agences régionales de santé (ARS) en France et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au niveau international, suite à des signalements remontés par les équipes soignantes ou par les alertes des réseaux de surveillance épidémiologique.
En France, la réglementation (article L. 3131-11 du Code de la santé publique et décret n° 2024-8 du 3 janvier 2024) fixe l’organisation du système de santé pour répondre aux situations sanitaires exceptionnelles.
Baptisé « ORSAN », le dispositif gouvernemental a pour objectif de décliner l’organisation des soins pour faire face aux situations sanitaires exceptionnelles de grande ampleur selon les différents types de risques (nucléaires, chimique, climatique, médico-psychologique…) dont le risque biologique.
Cette planification est déclinée au national et en régions par les agences régionales de santé. Elle s’appuie sur des centres identifiés que sont les établissements de santé de référence, adossés à des centres hospitaliers universitaires (CHU).
Leurs missions sont relatives à la prise en charge de ce risque. C’est pourquoi des laboratoires sont identifiés au sein de chaque établissement pour leur compétence technique dans le diagnostic des infections à haut risque épidémique.
Carte des établissements de santé de référence
6 établissements de référence ont des missions nationales (encadrés rouges), 12 établissements ont des missions régionales en Métropole (6), en Corse (1) et dans les Outre-mer (5).
Aussi les laboratoires sont intégrés dans une chaîne globale de prise en charge du risque au sein de l’établissement hospitalier dont ils dépendent, qui va de l’accueil des patients à l’identification du risque, l’alerte et les stratégies de prévention à appliquer.
Un équipement de protection spécifique pour les opérateurs
Les laboratoires habilités pour les risques épidémiologiques et biologiques ou « REB » disposent d’un laboratoire de confinement de niveau 3 conçu et prévu pour protéger les opérateurs lors de la manipulation de micro-organismes à risque de niveau 3 (ou 4 sur dérogation). À noter que les différents niveaux de risque sont définis par décret (décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 relatif au Code du travail.
Le niveau de risque 3 comprend :
« les agents biologiques pouvant provoquer une maladie grave chez l’homme et constituer un danger sérieux pour les travailleurs. Leur propagation dans la collectivité est possible, mais il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficaces »
En pratique, l’entrée dans ce laboratoire se fait par des sas qui permettent à l’opérateur de revêtir des équipements de protection individuelle pour assurer sa sécurité. Cette tenue est composée d’une combinaison de protection intégrale faite d’un matériau imperméable aux liquides et qui offre une protection maximum contre les agents pathogènes dangereux. Elle couvre entièrement le corps, y compris la tête par une capuche.
Au sein du laboratoire, un environnement très contrôlé
L’environnement du laboratoire est également contrôlé. L’air y circule en dépression par rapport à l’air extérieur pour confiner les éventuels micro-organismes présents dans l’air dans l’enceinte du laboratoire et des filtres (Hepa) garantissent un risque minimal de fuite en cas de rupture de dépression.
Les agents autorisés à effectuer des manipulations dans ce laboratoire disposent donc d’une formation à l’usage des équipements de protection individuelle, aux règles d’utilisation du laboratoire et d’une habilitation spécifique selon les manipulations.
La manipulation d’agents infectieux du groupe de risque 4 (type virus Ebola), sur dérogation, impose d’augmenter le niveau de sécurité par l’utilisation d’une enceinte de sécurité biologique de classe III, maintenue en dépression (-300 Pa) dans le laboratoire lui-même et assurant une protection maximale des utilisateurs.
À lire aussi : Comment les pompiers se préparent aux risques biologiques atypiques
Les échantillons à analyser sont acheminés au laboratoire en « triple emballage ». Le prélèvement est disposé dans une boite en plastique spécifique (avec papier absorbant pour les éventuels déversements de liquide et un couvercle à vis), elle-même dans un carton répondant à des normes d’emballage.
Des simulations autour de la gestion des victimes et des exercices « biotox »
La gestion intercrise consiste à maintenir le niveau de compétences et la capacité opérationnelle pour réagir en cas d’alerte. Elle repose sur une préparation rigoureuse et coordonnée des différents acteurs impliqués. Une mission nationale de Coordination opérationnelle risques épidémiques et biologiques (mission COREB) apporte un soutien à l’élaboration de cette gestion intercrise (recommandations, guides techniques,réunions préparatoires…).
Aussi, chaque établissement effectue des exercices de type « plan blanc » qui se concentrent sur la gestion des victimes et la chaîne des prélèvements. Ils impliquent des simulations réalistes qui aident à identifier les faiblesses et améliorer les procédures.
Enfin, les exercices « biotox », pilotés au niveau national, permettent une mise en situation des laboratoires. Ils sont caractérisés par des scénarios chronométrés, reçus par chaque laboratoire participant conjointement à un colis de prélèvements à identifier. Ils offrent une occasion précieuse de mise en situation réelle et de débriefing.
Anthrax, fièvre hémorragique… les situations de crise dans la « vraie » vie
La gestion des situations de crise repose sur une chaîne de prise en charge globale impliquant divers acteurs. Le rôle des laboratoires des établissements de santé de référence (ESR) est d’identifier l’agent pathogène en cause et réaliser les analyses de biologie standards des patients potentiellement infectés.
En pratique, 3 situations distinctes peuvent conduire à l’activation d’une alerte :
- La suspicion d’une infection par un agent pathogène à haut risque épidémique, chez une personne ayant voyagé dans une région endémique pour ce pathogène et présentant des signes cliniques compatibles.
Un exemple récent est celui d’un cas de fièvre de Lassa (provoqué par le virus Lassa responsable de fièvres hémorragiques) diagnostiqué en région parisienne. Dans ces cas, le Centre national de référence des fièvres hémorragiques effectue le diagnostic, tandis que le laboratoire de l’établissement de santé de référence réalise toutes les autres analyses biologiques nécessaires au suivi du patient.
- La suspicion d’agents de bioterrorisme (peste, bacille du charbon plus connu sous l’appellation anthrax, virus tels que la variole, etc.). Ces risques sont pris très au sérieux par les autorités, comme en 2001 aux États-Unis où une série d’attentats au bacille du charbon a causé cinq morts et contaminé plus de vingt personnes.
- L’apparition d’un nouvel agent de propagation rapide et dont la dangerosité est encore inconnue, comme lors de l’émergence du H1N1 en 2009 ou du MERS-CoV.
Face à ces situations, la réactivité et la mobilisation des ressources sont cruciales. Il est donc impératif de prévoir en temps réel ce qui peut entraver le déroulement opérationnel, comme la fermeture de laboratoires pour maintenance, la rupture d’approvisionnement en réactifs et les pannes d’automates. L’apprentissage tiré des situations vécues permet aussi d’améliorer continuellement les stratégies et les pratiques grâce aux retours d’expérience.
Dernière mise à jour : 19/08/24
Date de publication : 25/07/24