« À l’université de Rouen Normandie, nous aimons dire qu’il y a déjà près de 25 ans que nous formons les bioinformaticiens de demain », raconte Hélène Dauchel, enseignante-chercheure à l’UFR Sciences et techniques. En effet, le Master bioinformatique que propose l’URN se montre innovant et inédit sur bien des aspects. Si la formation peut se faire en trois ans, elle incite aussi ses élèves à partir à l’étranger. Nous avons rencontré deux étudiantes afin qu’elles nous parlent de leur expérience.
« La bioinformatique une discipline relativement jeune qu’on a l’habitude de définir à l’intersection de la biologie, de l’informatique et des mathématiques/statistiques », explique Hélène Dauchel, responsable du Master bioinformatique de l’université de Rouen Normandie. Quand la discipline a pris son essor dans les années 90, il a fallu rapidement former des experts et l’URN s’y est très vite attelé. « Nous avions besoin de former des personnes capables à la fois de comprendre les questions biologiques, de programmer pour créer des bases de données et le moyen de les partager au monde entier, de concevoir des algorithmes nouveaux et des logiciels mais aussi de mobiliser leurs compétences en statistiques pour traiter et analyser toutes ces «bio»informations. Notre équipe pédagogique a été pionnière en France pour répondre à ce besoin urgent de formation à de nouveaux métiers », continue Hélène Dauchel.
Si l’université normande a fait partie des précurseurs quant à la création de cette formation, elle a décidé dès le début d’innover en proposant des éléments inédits. Parmi ceux-là, le fait de pouvoir faire son master en trois ans au lieu de deux. La responsable de la formation explique pourquoi : « Quand on est titulaire d’une licence de biologie et que l‘on souhaite devenir bioinformaticien, il faut acquérir deux champs de compétences nouveaux et à haut niveau en informatique, en statistiques et bien sûr acquérir aussi tous les savoirs et savoir-faire propre aux sciences bioinformatiques, tout en maitrisant les nouvelles technologies à l’origine des données massives en biologie. C’est pourquoi, depuis l’ouverture de notre formation en 1999, nous voulons donner du temps pour ces nombreuses nouvelles acquisitions pointues ; du temps pour offrir un programme à la fois progressif, approfondi sur les fondamentaux, généraliste pour couvrir tous les champs de la bioinformatique et à la pointe, pour garantir un haut niveau de compétences et assurer à nos futurs diplômés une capacité à évoluer professionnellement; du temps aussi pour proposer des expériences d’immersion professionnelle fortes, avant même la sortie de la formation. Depuis l’origine et encore aujourd’hui, le Master se déroule sur trois années universitaires comprenant un M1 classique en 1 an et déjà un long stage de 5 mois, et un M2 de 17 mois en alternance, qui offre de surcroît la chance d’un salaire pour apprendre grâce au contrat d’apprentissage. Nos jeunes diplômés possèdent donc 22 mois d’expérience professionnelle, c’est inédit en France ».
Par la suite, le M2 bioinformatique a permis à ses étudiants de faire, en plus de leur alternance, un stage à l’étranger. « Par le passé, certains de nos diplômés avaient envie de partir à l’étranger pour leur premier emploi. Pour soutenir cette envie, nous avons eu l’idée de proposer à nos apprentis de rester dans le cadre universitaire ; ils bénéficient ainsi d’un statut sécurisant, encadré par une convention de stage et offrant des aides à la mobilité via les services de la DRIC », conclut Hélène Dauchel. « Découvrir un nouvel univers de travail dans sa profession, de nouvelles pratiques, relever le challenge de nouvelles thématiques de travail, mais aussi se confronter à l’interculturalité au quotidien et bien sûr à la langue étrangère… tout cela c’est franchir un cap supplémentaire très enrichissant personnellement et professionnellement ».
Rencontre avec deux étudiantes du M2 bioinformatique
Solène Pety
Montréal, Canada
- Présentez-vous
Je suis Solène Pety, j’ai 24 ans et je suis Normande. J’ai fait toutes mes études à Rouen, dont la licence de biologie, parcours B2MCP de l’URN puis le master de Bioinformatique, BIMS. J’ai fait mon stage de première année et mon apprentissage à l’INRAE, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
- Quel stage avez-vous effectué ? Dans quelle structure ? Quel pays ? Qu’y faisiez-vous ?
Pour mon stage à l’international, je souhaitais aller à Montréal au Canada. J’ai pu décrocher un stage au Centre Computationnel Canadien de Génomique (C3G), la plateforme de bioinformatique et de services de l’Université McGill. Le centre est divisé en trois équipes principales, dont l’équipe de service, au sein de laquelle je me trouvais, qui répond aux demandes de clients, notamment des laboratoires de recherche ayant besoin d’aide pour leurs analyses ou d’interfaces/outils pour manipuler efficacement leurs résultats. J’ai notamment contribué à la création d’une interface pour explorer les données pour des gènes d’intérêts ainsi qu’au développement d’un protocole de contrôle permettant de vérifier que plusieurs échantillons appartiennent bien au même patient avant de poursuivre les analyses.
- Pourquoi, après la fin de votre contrat d’apprentissage, avoir choisi ce format de stage à l’étranger ?
À la fin de mon contrat d’apprentissage, j’avais envie de découvrir un nouvel environnement de travail plus technique, avec des échéances plus rapides, et me rapprocher d’un travail d’ingénieur tel qu’on peut se l’imaginer, où ce sont surtout mes compétences de programmation qui sont mobilisées. Pendant un an et demi, j’ai eu l’occasion de découvrir le monde de la recherche et toutes les réflexions lié, en travaillant principalement sur le développement de méthodes pour des échantillons de fromages. Cependant, je souhaitais explorer un autre aspect de la bioinformatique. C’est pourquoi je me suis orientée vers une plateforme. De plus, le format international proposé par le master était un argument supplémentaire pour découvrir une nouvelle culture dans un nouveau pays et pratiquer, un peu, Québec oblige, l’anglais.
- Qu’est-ce que ce stage vous a apporté ?
Ce stage m’a offert l’opportunité de travailler dans un environnement en bioinformatique que je souhaitais explorer depuis un certain temps. Il m’a permis de voyager et de m’immerger pendant six mois dans un nouveau pays, de découvrir de nouveaux paysages et une nouvelle culture, à un moment idéal entre la fin de mes études et le début d’une thèse. Du point de vue professionnel, cette expérience internationale constitue un atout majeur à ajouter à mon CV et sera facilement valorisable dans mes futures recherches d’emploi.
Meije Mathé
Bergen, Norvège
- Présentez-vous
Je m’appelle Meije Mathé, j’ai 23 ans et je suis étudiante à l’université de Rouen Normandie en M2 bioinformatique.
- Quel stage avez-vous effectué ? Dans quelle structure ? Quel pays ? Qu’y faisiez-vous ?
J’ai effectué mon stage de M2 d’une durée de 5 mois (du premier mars au 31 juillet 2023) à la Computational Biology Unit (Unité de Biologie Computationnelle) de l’université de Bergen en Norvège. J’ai travaillé dans le domaine de l’analyse phylogénétique à partir d’échantillons d’écosystèmes différents. Mon premier projet s’intéressait à un écosystème marin. Les données sont issues du séquençage de métagénomes d’échantillons prélevés dans une cheminée hydrothermale de la dorsale océanique dans l’Océan Arctique. L’objectif était de déterminer quels sont les micro-organismes présents dans cet environnement et de comprendre leur répartition le long de la dorsale. J’ai travaillé au niveau de la phylogénie des génomes complets, mais aussi de la phylogénie de certaines protéines qu’ils codent, impliquées dans le transfert des lipides. L’objectif était d’essayer de comprendre qu’elle est la structure de la protéine ancestrale, et de comprendre pourquoi cette structure est présente chez des organismes très différents. Mon second projet s’intéressait à l’analyse phylogénétique des bactéries du microbiote intestinal humain, impliquées dans différentes pathologies. Il s’agissait de déterminer si certains groupes taxonomiques de ces microorganismes sont spécifiques du microbiote humain ou bien s’ils peuvent aussi se trouver dans des échantillons provenant de différents autres biomes (environnements ou hôtes animaux). L’objectif est de comprendre comment et quand la colonisation du milieu gastro intestinal humain a-t-elle pu se produire.
- Pourquoi, après la fin de votre contrat d’apprentissage, avoir choisi ce format de stage à l’étranger ?
Mon objectif était de trouver un stage me permettant de découvrir un tout autre domaine de la bioinformatique que ceux avec lesquels j’avais déjà pu me familiariser durant mes précédentes expériences professionnelles. Ce stage m’a aussi permis de gagner en expérience avant de commencer une thèse.
- Qu’est-ce que ce stage vous a apporté ?
Au cours de ce stage j’ai pu mobiliser plusieurs compétences techniques acquises au cours de mon parcours universitaire et de mon alternance. En particulier, j’ai pu utiliser mes connaissances en programmation (en Python et Bash notamment) et l’utilisation d’un cluster de calcul dans un environnement UNIX.
Par ailleurs, dans un premier temps, étant à l’étranger, j’ai pris l’habitude de tout faire en anglais, ce qui a nécessité non seulement d’utiliser mes connaissances en anglais mais aussi une bonne dose de motivation. De plus, étant donné la charge de travail des collègues avec qui je travaille, je dois être autonome et capable d’effectuer les tâches qui me sont confiées. De ce fait, il faut aussi que je communique de façon efficace avec eux, notamment lors de nos réunions hebdomadaires où je présente mes résultats et mes avancées. J’ai aussi eu l’occasion de faire plusieurs présentations devant les membres de l’équipe ou d’autres membres du labo et j’ai présenté un speed talk (présentation de 5 minutes) à une conférence, ce qui m’a forcé à mobiliser mes capacités de présentation à l’oral. Le fait que je travaille sur plusieurs projets m’a aussi permis d’appliquer ma capacité à travailler sur différentes tâches en parallèle ainsi que mon organisation.
Date de publication : 02/10/23