Depuis plusieurs années, l’université de Rouen Normandie porte une attention particulière à rendre son établissement plus inclusif et égalitaire. C’est en partie pour cette raison que la mission égalité diversité a vu le jour. Portée par trois enseignantes-chercheuses de l’URN, elle a vocation à faire en sorte que la question de l’égalité soit prise en compte dans l’ensemble des actions et des dispositifs mis en place par l’Université.
Anne Bidois, Marion Charpenel et Elise Lemercier sont enseignantes-chercheuses à l’université de Rouen Normandie. Toutes les trois sont maîtresses de conférences en sociologie et membres du laboratoire de recherche DySoLab. Mais leur quotidien est également rythmé par une autre activité : la mission égalité diversité de l’URN. « C’est une des difficultés de la carrière des enseignants-chercheurs d’avoir différentes activités. Il y a celles d’enseignement et celles de recherche. Et on occupe toutes aussi des responsabilités pédagogiques. En étant trois sur la mission, cela permet d’assurer une veille et de se répartir le suivi des dossiers », explique Anne Bidois. Le sujet est aussi important que complexe et elles ne sont pas trop de trois pour s’investir à bras le corps sur ces problématiques. Marion Charpenel continue : « Initialement, Anne Bidois prenait plutôt en charge le volet femmes et sciences, Elise Lemercier la question des violences, et moi la question de l’égalité professionnelle ». Toutefois, depuis un certain temps, les contraintes temporelles et les besoins organisationnels les conduisent à avancer ensemble ou en alternance sur les différents dossiers. « L’intérêt, c’est quand même de se partager le travail et de se partager aussi la charge mentale des dossiers, tout en fonctionnant avec des regards croisés », surenchérit Elise Lemercier. Toutes trois insistent sur la richesse de travailler en trio et l’apport que cela comporte en termes de créativité.
De nombreux projets en cours et des actions qui portent leurs fruits
Il faut dire que la tâche est lourde et les missions nombreuses. « Ce qu’on veut, c’est intégrer la question de l’égalité dans la gouvernance de l’université », continue Marion Charpenel. « Cela se traduit par la mise en œuvre de différentes politiques qui concernent l’égalité professionnelle, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, l’égalité entre les femmes et les hommes dans la recherche, et aussi l’égalité dans les études». Depuis qu’elles ont pris en main cette mission, elles multiplient les actions et les projets. « Il y a plusieurs chantiers qui ont bien avancé, notamment sur l’égalité professionnelle avec une recherche menée actuellement sur les inégalités de carrière chez les personnels BIATSS », raconte Elise Lemercier. Elles ont aussi mis en place un module de formation obligatoire de trois heures à destination des nouveaux et nouvelles enseignants-chercheurs afin de leur donner des outils pour sensibiliser eux-mêmes les étudiants et les étudiantes. Anne Bidois en parle : « Pour l’instant, il y a eu une première promotion qui a été formée avec laquelle on a abordé les grands enjeux des inégalités en essayant d’apporter des solutions. Comment fait-on travailler des étudiants ensemble ? Comment constituer des groupes ? ». Marion Charpenel poursuit : « À qui donne-t-on la parole en classe pour éviter qu’elle ne soit monopolisée par les garçons ? Et évidemment, que faire quand on est confronté à des questions de violences ? Comment réagir ? ». « Quand les étudiants et étudiantes nous contactent, ils ont souvent d’abord parlé à quelqu’un qui est à proximité, comme une professeure ou un professeur ou encore une ou un membre de l’administration. Il est important que les collègues soient formés afin de savoir ce qu’ils peuvent faire. Il faut écouter ce que dit la victime, pouvoir le coder comme relevant de la mission et ensuite orienter vers nous », complète Elise Lemercier. D’où la grande importance de cette nouvelle formation.
La mission égalité diversité en chiffres
- 3 chargées de mission
- 19 actions ambitieuses dans le plan d’action 2021-2023
- 11% moins bien payées que les hommes 30 mois après l’obtention d’un Master LMD
- 28%, la part des chercheuses dans l’enseignement supérieur (21% en entreprise)
- 28%, la part des femmes diplômées d’un titre d’ingénieur
- 29% de femmes parmi les professeurs des universités
- 40% d’enseignantes parmi les titulaires de l’enseignement supérieur
Chiffres pour l’année 2020 (source)
Cette question du traitement des violences sexistes et sexuelles les occupe beaucoup actuellement. « Nous avons travaillé sur un projet de refonte des procédures de recueil et de traitement des cas de violence. Nous avons vraiment tout remis à plat, fait un diagnostic de l’existant, regardé ce qui marchait, ce qui ne marchait pas, proposé des solutions pour que cela fonctionne différemment. Et nous avons soumis au ministère ce projet pour financement et obtenu 35 000 euros pour sa réalisation », raconte Marion Charpenel. « Il y a des choses qu’on a également soumises à la direction de l’établissement et qui ont déjà été acceptées, notamment le fait de pouvoir faire appel à une expertise extérieure dans le traitement des situations de violence. Nous faisons appel à une association à l’extérieur de l’URN qui accompagnera les victimes, parce que nous n’avons pas forcément les compétences en interne pour le faire », continue Elise Lemercier. Sur le même sujet, Marion Charpenel souligne un autre aspect essentiel sur lequel elles travaillent et qui se doit d’évoluer afin de favoriser l’aide aux victimes. « Il y a une forme d’opacité des procédures qui suscite de la défiance et freine les recours en cas de violences. Notre idée est d’essayer de rendre les instances qui traitent ces questions, visibles, identifiables, c’est-à-dire associées à des personnes, et pas simplement à une adresse e-mail dont on ne sait pas qui la recevra. Et puis les personnes doivent savoir ce que va ensuite donner leur plainte ».
Encore un long chemin à parcourir
L’une des principales difficultés qu’elles rencontrent dans leur travail est de réussir à faire comprendre que les problèmes sont profonds et qu’il faut engager des transformations de fond pour les résoudre. « Un grand nombre des mécanismes de discrimination sont liés à des procédures qui utilisent des critères en apparence neutres et produisent des effets qui ne le sont pas. C’est ce que la loi française appelle la discrimination indirecte », analyse Elise Lemercier. Marion Charpenel appuie ce propos : « Il y a un exemple qui fonctionne bien, c’est la question des promotions : comment promeut-on les personnes dans l’université et la recherche ? On sait objectivement, car des chiffres le montrent, que les femmes ont moins de promotions que les hommes dans nos milieux. On entend souvent dire « oui, mais il faut juger à dossier égal ». Sauf que c’est en amont que la différenciation s’est faite, donc le dossier ne peut pas être égal. Notre but est, par conséquent, de jouer sur les procédures. On essaie de faire comprendre qu’un rattrapage n’est pas une promotion, c’est-à-dire que lorsqu’on rattrape une inégalité, ensuite, cela ne devrait pas empêcher d’être promue puisque c’est autre chose. En termes d’inégalités de carrière, ce sont les procédures qu’il faut repenser avec cet objectif d’égalité ».
Si, depuis la création de la mission égalité diversité, elles ont souvent eu des retours positifs, la route est encore longue. « L’un des enjeux est de réussir à être facilement identifiées et identifiables. Nous sommes en train de réfléchir à des modalités pour devenir une ressource qui puisse être sollicitée, un recours. C’est pour cela que le site internet est un outil important. Nous voulons aussi mettre en place un trombinoscope », reprend Anne Bidois. « Dans les réunions de pré-rentrée, on essaie de faire en sorte qu’il soit dit qu’il existe une mission égalité diversité, mais ce n’est pas encore assez systématisé. Il reste encore beaucoup à faire. On adorerait qu’il y ait un service avec au moins une personne à plein temps sur ces questions. Cela nous donnerait une puissance d’agir énorme. Ce sont des enjeux de plus en plus importants, au-delà des questions de justice sociale, aussi parce que ce sont des attendus des institutions, donc du ministère, mais aussi des institutions européennes qui sont de plus en plus nos financeurs et attendent des engagements très concrets sur l’égalité », conclut Marion Charpenel.
En savoir plus
Consulter le site de la Mission égalité/diversité
Contacter les chargées de mission : mission-egalite@univ-rouen.fr
Télécharger le plan d’action 2021-2023
Dernière mise à jour : 16/01/23
Date de publication : 25/11/22