Après quatre années de travaux, les chercheurs de l’université de Rouen Normandie, membres du projet COP HERL, ont mis un point final à leurs travaux concernant les conséquences de l’incendie des entreprises Lubrizol et Normandie Logistique, survenu le 26 septembre 2019. Outre les résultats portant sur la caractérisation et le suivi de marqueurs environnementaux, ainsi que la perception des risques par la population, ces travaux aboutissent à des recommandations formulées par la communauté scientifique aux acteurs décisionnels.
Une synthèse du projet COP HERL – COnséquences Potentielles pour l’Homme et l’Environnement, perception et RésiLience – ainsi qu’une note associée sont publiées sur le site T.URN de l’université de Rouen Normandie.
Dans ces travaux, la communauté scientifique formule trois recommandations aux acteurs décisionnels et gestionnaires locaux et nationaux.
Continuité du suivi des marqueurs et quantification de ceux-ci dans les matrices environnementales
Trente marqueurs de l’incendie ont été identifiés et retrouvés soit dans l’air durant l’incendie, soit dans les sols, les sédiments et les eaux (à l’état dissous ou fixé sur des particules en suspension) durant la période de suivi environnemental du projet. Bien que les deux tiers d’entre eux présentent des risques mineurs ou nuls, un certain nombre d’entre eux, et notamment huit substances sont classés cancérogènes et mutagènes, perturbateurs endocriniens et/ou reprotoxiques, ou toxiques pour les organismes aquatiques. Les chercheurs recommandent que ces molécules marqueurs soient quantifiées et intégrées aux plans de surveillance des eaux menés sur les bassins versant du Cailly et du Robec-Aubette. Les concentrations en cadmium, cuivre, plomb, zinc, PFAS, HAP et PCB devraient également être mesurées dans les eaux de la « Darse aux bois » pour vérifier que les sédiments ne relarguent pas des doses toxiques pour les organismes aquatiques. Après leur curage, les sédiments devront être mis en décharge selon une procédure spécifique.
Caractérisation du risque lors d’un accident
La gestion de crise suite à un accident industriel répond à une procédure très calibrée. Elle dépend de la réception d’informations quantitatives et qualitatives sur la caractérisation du risque, ceci pour répondre aux besoins immédiats de protection des populations. Cependant, comme le démontre le projet COP HERL, des questions demeurent au-delà du temps de la crise immédiate, nécessitant des études sur un temps plus long. C’est dans ce cadre que l’expertise des scientifiques, leurs capacités analytiques et leurs démarches méthodologiques peuvent apporter des réponses aux questionnements sociétaux. Or, lors d’accident industriel, la communauté scientifique n’a pas accès aux échantillons natifs pour mener leurs investigations. Il est par conséquent recommandé que des échantillons conservatoires soient systématiquement prélevés lors d’accidents industrielles majeurs afin de rendre possibles ultérieurement des analyses approfondies complètes pour caractériser l’accident et identifier la nature des produits émis une fois l’urgence passée.
Plan de communication de crise
La communication de crise institutionnelle, souvent centrée, à juste titre, sur des données factuelles, est cependant souvent perçue comme déconnectée des ressentis et préoccupations des populations qui ne doivent pas être négligés. Il est donc recommandé d’intégrer également dans la communication de crise un registre sensoriel afin de répondre aux citoyens et d’éviter les sentiments de déconnexion, de suspicion voire de défiance.
À propos du projet COPHERL
Né à la suite de l’incendie de Lubrizol et Normandie Logistique, le projet COP HERL a mobilisé la communauté scientifique rouennaise pour analyser les conséquences de cette catastrophe sur l’Homme et l’environnement. Lancé en novembre 2020, COP HERL a réuni 17 laboratoires et plus de 100 experts scientifiques autour de quatre axes de recherche : la caractérisation des substances issues de l’incendie, l’évaluation de la contamination de l’environnement, l’étude des impacts sanitaires, et l’analyse des perceptions sociales et de la résilience des populations.
Ce projet interdisciplinaire, soutenu financièrement par la Région Normandie, la Métropole Rouen Normandie, l’Agence Nationale de la Recherche et l’université de Rouen Normandie a permis d’apporter des réponses aux enjeux qui n’avaient pu être explorés durant la gestion de crise.
Date de publication : 23/09/24