Cécile Duclairoir-Poc, professeure des universités en microbiologie
ESITech / Laboratoire CBSA - Co-responsable scientifique du projet BIOT2@Normandie
"Nous voulons expliquer aux jeunes que venir travailler dans la biothérapie et la bioproduction pharmaceutique c’est avoir un métier qui a du sens car on va pouvoir aider n’importe qui dans la population."
- Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?
Je m’appelle Cécile Duclairoir-Poc et je suis professeure des universités à l’université de Rouen Normandie. Je suis rattachée à l’ESITech, l’école d’ingénieur de l’URN. J’y ai plusieurs responsabilités comme directrice des études, responsable de la spécialité Technologie du vivant et responsable de la formation en alternance, en cinquième année.
Sur le volet recherche, je travaille au laboratoire Communication bactérienne et stratégies anti-infectieuses (CBSA), présent sur les campus d’Évreux et de Caen. C’est un laboratoire de microbiologie et mon domaine d’étude porte principalement sur l’impact de l’environnement, du micro-environnement (pollution, rayonnement UV, particules atmosphériques) sur la physiologie et la membrane bactérienne.
Je suis aussi co-responsable scientifique, avec Muriel Bardor, du projet BIOT2@Normandie « 23-CMAS-0032 » qui est financé par l’état dans le cadre de l’appel à projet France 2030 sur le volet « Compétences et métiers d’avenir » par l’Agence Nationale de la Recherche.
- Sur quoi portent vos recherches et vos enseignements ?
Au niveau des enseignements, je suis spécialisée dans la bioindustrie pharmaceutique et cosmétique. J’enseigne la fabrication de produits dans ces industries, d’où l’aspect bioproduction sur lequel on va revenir ensuite. J’enseigne également les réglementations associées à ces productions et à leur environnement de production.
Quant à mes travaux de recherche, ils se focalisent non plus sur les environnements de production, mais sur les interactions entre l’environnement/micro-environnement et la membrane bactérienne. Je m’intéresse à la pollution chimique et l’impact des oxydes d’azote sur les bactéries, voir si cela peut en augmenter la virulence ou non. C’est par exemple la pollution automobile, celle de la fumée du chauffage à bois. J’étudie aussi l’impact du rayonnement UV et enfin les particules et tout ce qu’on peut trouver dans l’air. Une de mes doctorantes travaille en ce moment sur cette tri-exposition. L’objectif est d’analyser si l’exposition bactérienne à des polluants peut aggraver certaines pathologies pulmonaires. Le but est d’endiguer les phénomènes de résistance, de trouver des moyens de protection voire d’ utiliser la souche comme indicateur afin de lancer l’alerte.
BIOT2@Normandie, c’est quoi ?
Pierre Patin, coordinateur du projet BIOT2@Normandie à l’université de Rouen Normandie, est chargé de mettre en œuvre opérationnellement le projet sur cinq ans et de garantir que les objectifs définis par l’ANR (Agence nationale de la recherche) soient atteints. Il nous explique le projet.
« Le projet BIOT2 est une initiative ambitieuse financée par le programme France 2030, qui vise à développer et soutenir la production de biomédicaments en France. L’objectif est double. Nous voulons former les talents de demain dans le domaine de la bioproduction et des biothérapies grâce à de nouvelles formations, et contribuer à l’objectif national de produire 20 biomédicaments innovants d’ici 2030. L’université de Rouen Normandie coordonne ce projet à travers quatre composantes : UFR Sciences et techniques, IUT d’Évreux, UFR Santé et ESITech, en collaboration avec l’Agence régionale de l’orientation et des métiers et la coopération industrielle du médicament Polepharma pour sensibiliser tant le grand public que les professionnels à l’importance et à la diversité des métiers ainsi qu’aux formations. Nous travaillons également en collaboration avec l’IMT, un institut de formation spécialisé dans les métiers de production pour les industries pharmaceutiques, cosmétiques et biotechnologiques, pour améliorer les capacités opérationnelles des étudiants.
Nous venons en complément de ce qui existe déjà au niveau national, en insistant sur l’aspect biotesting, mais aussi sur la présence de plateaux techniques existant déjà à l’URN. Nous souhaitons qu’ils profitent davantage à nos étudiants. C’est un projet que nous voulons fédérateur au niveau de l’Université.
Nous voulons rendre attrayant le monde du biomédicament. Il peut y avoir beaucoup de métiers, et pas uniquement en biologie, dans ce nouveau monde. Il y a des métiers qui sont en cours de développement, que nous pressentons et que nous allons essayer d’accompagner, en lien avec les industriels. »
- Qu’est-ce qu’un biomédicament ? Qu’est-ce que la biothérapie ? Qu’est-ce que la bioproduction ?
Un biomédicament est un médicament qui est produit sur une base vivante, à partir d’une cellule vivante. La biothérapie récupère et modifie un gène ou une cellule qu’on va ensuite réinjecter pour que l’organisme réponde de façon plus correcte. La bioproduction est le fait d’utiliser une cellule, mais rarement celle du malade, qui a un système de fabrication rapide et qu’on peut multiplier afin d’augmenter le nombre de cellules rapidement afin de produire en masse.
- Est-ce que les étudiants sont demandeurs de ce type de formations ?
Pour être demandeur, il faut connaître. Or, comme ce sont des métiers nouveaux, ils ne sont pas encore connus. D’où notre politique très en amont d’aller voir les gens et de leur expliquer ce qu’est un biomédicament, ce que sont la bioproduction, la biothérapie et le biotesting. Nous expliquons en quoi les technologies que nous sommes en train de développer sont importantes et intéressantes. Nous voulons expliquer aux jeunes que venir travailler dans la biothérapie et la bioproduction pharmaceutique c’est avoir un métier qui a du sens car on va pouvoir aider n’importe qui dans la population. Nous tentons de dédramatiser l’aspect industriel qui fait parfois peur.
- En quoi BIOT2@Normandie est un projet novateur et important pour l’industrie et pour l’Université ?
Ce qui est important c’est de fournir les techniciens, les ingénieurs et les pharmaciens de demain. L’industrie pharmaceutique fait face à une réorganisation. Il y a une rupture technologique et industrielle qui se met en œuvre. Il y a plein de métiers qui voient le jour, ou d’évolutions de ces métiers car il s’agit de produire des produits technologiques avancés, avec des contraintes sanitaires très prégnantes. Ce sont les métiers de demain.
Comme à l’URN nous sommes une université transdisciplinaire, il faut en profiter pour travailler sur tout le prisme du biomédicament. Il y a de moins en moins d’étudiants qui veulent venir en science. Nous devons aller chercher de nouveaux étudiants et leur expliquer qu’il y a de l’emploi riche de sens. Nous devons démontrer qu’à la fin on va contribuer au système de santé, pour soi, pour son grand-père ou pour son voisin.
Les formations dans le cadre de BIOT2@Normandie
Il y a quatre formations BAC+3
- À l’IUT d’Évreux, il y aura les parcours SAB (Sciences de l’aliment et des biotechnologies) et BMB (Biologie médicale et biotechnologie). Le parcours SAB va former des techniciens très polyvalents en production, à la fois en pharmacie, agroalimentaire et cosmétique. Le parcours BMB compte fournir des techniciens capables de faire de l’analyse médicale. On y retrouve aussi un aspect R&D en bioproduction.
- À l’UFR Sciences et techniques, nous retrouvons la licence professionnelle bio-industries et biotechnologies, biotesting des bioprocédés et des biomédicaments qui forme des techniciens très transversaux qui seront là pour être présents à toutes les étapes de contrôle du biomédicament.
- À l’UFR Santé, il y aura la licence professionnelle préparateur en pharmacie industrielle avec une spécialisation dans les biothérapies. Ils pourraient être amenés à travailler dans les laboratoires des CHU ou de l’EFS (Etablissement français du sang) pour préparer les médicaments de Thérapie Innovante (MTI).
Il y a trois formations BAC+5
- À l’UFR Sciences et techniques, il y a le nouveau parcours biotesting du médicament, au sein du Master ingénierie de la santé. L’objectif est de former des personnes avec une vision transversale du contrôle, dans une position plus managériale.
- À l’UFR Santé, nous venons de lancer le Master 1 Sciences du médicament et des produits de santé qui est adossé aux études de pharmacie. Ici, le but est de spécialiser les pharmaciens.
- À l’ESITech, il y a dans le parcours technologie du vivant, une 5e année en alternance, avec option bioproduction. On forme des ingénieurs qui vont se centrer sur le produit, là où le pharmacien va plutôt se centrer sur le patient.
Il y a des thèses à BAC+8
- Il y a des financements pour financer trois thèses pleines qui doivent se terminer avant janvier 2029.
- Un mot pour conclure ?
Nous allons former des techniciens, des ingénieurs, des préparateurs en pharmacie, des pharmaciens et des chercheurs. C’est un grand éventail de métiers et c’est un des arguments qui a séduit le jury de sélection.
La phrase qui nous utilisons souvent pour conclure est « Via BIOT2@Normandie, la Normandie participera ainsi à la France de demain ».