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Première mondiale pour l’URN et le GPM

Le Groupe de physique des matériaux (GPM), unité mixte de recherche de l’université de Rouen Normandie, l’INSA Rouen Normandie et le CNRS, vient de réaliser une grande première mondiale, reconnue dans la revue Nature Communications. Les équipes du GPM, régulièrement pionnières dans le monde de la microscopie, viennent de mettre en lien deux technologies phares de la microscopie à haute résolution. Désormais, les chercheurs pourront travailler à partir d’un outil unique mêlant la sonde atomique tomographique (SAT) et la microscopie électronique en transmission (MET). Pour y voir plus clair, nous avons rencontré Williams Lefebvre, professeur des universités à l’URN et responsable scientifique du projet. Il nous parle de cette découverte, de la genèse du projet et ses apports. C’est un nouveau monde qui s’ouvre aux chercheurs en termes de description précise de la matière en 3 dimensions à l’échelle atomique.

  • Votre équipe vient de réussir une première mondiale, “apporter la tomographie par sonde atomique aux microscopes électroniques à transmission”. Pouvez-vous nous parler de cette découverte ?

Williams Lefebvre : Si les matériaux ont été au cœur de nombre d’innovations jusqu’à aujourd’hui, on peut raisonnablement prédire qu’ils demeureront incontournables à l’avenir dans bien des domaines critiques (production, stockage et transport d’énergie, transports, sobriété énergétique, recyclage, santé). Les recherches sur les matériaux joueront donc un rôle crucial pour relever certains des défis auxquels nous sommes confrontés et devront s’appuyer sur les outils de recherche les plus avancés.

Les techniques utilisées pour observer les matériaux à différentes échelles n’ont jamais cessé d’évoluer depuis la mise au point des premiers microscopes. Cependant, nous n’en sommes pas encore arrivés au moment où, dans les laboratoires de recherche à travers le monde, il suffirait de mettre un échantillon dans une machine pour que celle-ci nous fournisse une représentation de la matière analysée en 3D en positionnant chaque atome, identifié selon sa nature chimique, à l’endroit exact où il se trouve dans la matière.

Pour parvenir à la mise au point de ce microscope ultime, une démarche a été proposée qui consiste à combiner en un seul instrument deux techniques majeures de la microscopie à très haute résolution : la microscopie électronique en transmission et la sonde atomique tomographique.

Après de nombreux efforts, des problèmes qu’il a fallu surmonter à plusieurs en mettant à profit les compétences de chacun, c’est ce que l’équipe du Groupe de physique des matériaux (GPM) est parvenue à faire en 2024.

 

  • Cela fait dix ans que le GPM travaille sur ce projet. Quelle a été sa genèse ?

WL : Depuis 50 ans, l’idée de créer de nouveaux instruments pour observer et comprendre la matière a toujours été un pilier majeur des activités du Groupe de Physique des Matériaux. C’est donc assez naturellement que ce projet d’instrumentation ambitieux a fini par y germer. Dans les années 90, le GPM a été pionnier dans le développement de la sonde atomique tomographique et a depuis beaucoup grandi. Il rassemble aujourd’hui sur le campus sciences et ingénierie du Madrillet 170 personnes dont beaucoup d’étudiants stagiaires de master, doctorants ou post-doctorants de France mais aussi du monde entier. Parmi les auteurs de notre article paru dans Nature Communications, 5 nationalités sont représentées et un doctorant ainsi que deux post-doctorants contribuent à l’article.

En 2014, inspirés par notre collègue américain Thomas Kelly qui avait proposé de construire une machine dédiée rassemblant un microscope électronique en transmission et une sonde atomique tomographique, nous avons proposé une approche plus directe. Celle-ci consistait à miniaturiser la sonde atomique tomographique pour l’adapter aux microscopes électroniques existants. Si nous y parvenions, la nouvelle technique pourrait rapidement se propager car les microscopes électroniques en transmissions sont présents en très grand nombre dans bien des pays (plus de 100 rien qu’en France).

Avec mes collègues du GPM, c’est donc cette voie que nous avons choisie de suivre. L’idée peut sembler évidente maintenant que nous y sommes parvenus, mais à l’époque, elle semblait assez irréaliste, voire irréalisable tant les microscopes électroniques ne sont pas faits pour accueillir une sonde atomique. Les soutiens financiers ne sont donc pas arrivés tout de suite.

Après que nous ayons démontré que nous étions sur la bonne voie grâce à de premiers résultats de plus en plus encourageants obtenus au fil des années, la Région Normandie et l’Europe (via les fonds FEDER) ont permis de donner un coup d’accélérateur à ce projet avec le financement en 2021 du projet FusionSATMET et l’achat d’un nouveau microscope.

 

  • Concrètement, maintenant que la publication est sortie, qu’est-ce que cela va apporter à la recherche ?

WL : Lorsqu’un nouvel outil de microscopie est mis au point, il est souvent difficile d’entrevoir tout ce que les chercheurs qui le prendront en main en feront.

Dans ce cas précis, les combinaisons de modes d’imagerie, la possibilité d’envoyer sur l’échantillon des électrons, des lasers, de synchroniser ou non détection des atomes et observations de microscopie, font que les possibilités sont démultipliées. Mais plus encore, la nature des échantillons qu’il est possible d’analyser étend le champ de son application à une vaste gamme (métaux, alliages, semi-conducteurs, minéraux, matière-biologique, catalyseurs…).

Au GPM, nous savons précisément où nous voulons aller sur cet axe de recherche. Nous avons d’ailleurs déposé dans ce sens un projet européen avec deux laboratoires allemands pour que de nombreux doctorants et post-doctorants puissent nous rejoindre et donner ainsi un coup d’accélérateur à ces recherches en profitant du fait que Rouen est actuellement le seul endroit au monde disposant de ce nouvel instrument.

L’étape ultime de ce développement sera atteinte lorsqu’il sera possible de construire le jumeau numérique fidèle de chaque volume analysé. Dans ce jumeau numérique, la position tout comme la nature chimique de chaque atome sera déterminée. Les volumes reconstruits pourront ainsi être utilisés comme données d’entrée de méthodes numériques pour modéliser les propriétés de la matière à fine échelle (propriétés électroniques, chimiques, magnétiques…) ou mettre à jour les mécanismes contrôlant le développement des nanostructures.

En outre, sur la base de nos solutions techniques, nous espérons que ce nouvel outil puisse être utilisé dans de nombreux laboratoires à travers le monde.

Le résultat de ces recherches a été publié sur Nature Communications. Vous pouvez retrouve l’article ici : https://www.nature.com/articles/s41467-024-54169-2

Date de publication : 18/11/24