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Rencontre avec une enseignante-chercheuse de l'Université

Marie-Christine Fournier-Salaün, maîtresse de conférences en génie chimique

IUT de Rouen – Département de chimie, Laboratoire de Sécurité des Procédés Chimiques (LSPC)

"La transition environnementale devient un enjeu central dans nos recherches. Il est de plus en plus indispensable de trouver des alternatives au pétrole et de développer des procédés plus sûrs et durables."

  • Pouvez-vous vous présenter et nous parler de vos activités à l’université de Rouen Normandie ?

Je suis Marie-Christine Fournier-Salaün, enseignante-chercheuse en génie chimique à l’IUT de Rouen, au sein du département chimie. J’enseigne aux étudiants la discipline génie chimique, et je mène mes recherches au sein du Laboratoire de sécurité des procédés chimiques (LSPC). Mon travail s’articule autour de deux thématiques principales : la valorisation chimique du CO₂ et la valorisation de déchets issus de la biomasse, en utilisant cette fois des micro-réacteurs. Ces derniers sont essentiels pour développer des procédés industriels plus sûrs. Dans les deux cas, l’objectif est de produire des molécules intermédiaires, comme des carbonates ou des époxydes, et des produits finaux comme des lubrifiants et des polymères.

 

  • Pouvez-vous expliquer plus en détail ces recherches sur les micro-réacteurs et la valorisation du CO₂ ?

L’idée derrière la valorisation du CO₂ est de l’utiliser comme matière première pour synthétiser des molécules plateforme. Il s’agit de trouver des alternatives à l’utilisation du pétrole. Historiquement, le pétrole était la matière première centrale pour la production de nos biens de consommation. Aujourd’hui, avec la transition écologique, il est crucial de trouver de nouvelles sources de matière première, et le CO₂, en tant que déchet, représente une matière première intéressante. Nous travaillons donc à transformer ce CO₂ en molécules plateformes. Ces molécules peuvent ensuite être utilisées dans diverses industries, que ce soit pour des lubrifiants, des plastiques ou d’autres matériaux, en remplacement des produits issus du pétrole.

Les micro-réacteurs tubulaires, quant à eux, permettent de réaliser des synthèses chimiques à petite échelle, ce qui présente un grand intérêt en termes de sécurité. En travaillant avec de très petites quantités de réactifs, nous pouvons mieux contrôler la température et les paramètres du milieu réactionnel, optimisant ainsi les conditions opératoires et renforçant la sécurité du procédé. Ce type de réacteur permet également de produire à la demande. Au laboratoire, l’objectif est d’étudier les phénomènes hydrodynamiques et de transfert de matière dans des systèmes gaz/liquide/liquide dans ce type de réacteurs. Le dispositif expérimental est appliqué à la valorisation de la biomasse.

 

  • Quelle place occupe la transition écologique dans vos recherches ?

Une place plutôt importante. En 2024, il est difficile d’envisager de faire de la recherche en ne tenant pas compte des défis environnementaux. Notre objectif est d’explorer de nouvelles méthodes de synthèse à partir de ressources à valoriser. Dans notre cas, il s’agit de valoriser des déchets comme le CO₂ ou issus de la biomasse. Ces changements sont importants pour l’industrie chimique, mais aussi pour l’ensemble de la société, car ils permettent de développer des solutions plus durables et respectueuses de l’environnement.

 

  • L’URN est hôte du congrès de la Société Française de Génie des Procédés (SFGP). Pouvez-vous nous en dire plus ?

Effectivement, le 19ᵉ congrès de la Société Française de Génie des Procédés (SFGP) a lieu du 15 au 17 octobre 2024 à Deauville. L’université de Rouen Normandie est hôte de cet événement cette année, ce qui est une belle opportunité pour mettre en avant notre savoir-faire et nos collègues chercheurs. Le thème principal du congrès est “Le génie des procédés, acteur des transitions énergétiques, environnementales et sociétales”, ce qui est parfaitement en phase avec les défis actuels.

Six thématiques principales sont abordées au cours du congrès : la transition énergétique et industrielle ; l’agro et les bioressources ; la maîtrise de la ressource en eau ; les écosystèmes industriels ; les procédés pour la santé ; et enfin, les méthodes et outils au service des procédés. C’est un événement fort pour notre discipline, avec 500 participants, dont 20 % issus du secteur industriel. Il y aura aussi une forte présence de jeunes chercheurs, avec environ 30 % de doctorants. Ce congrès est un moment d’échange privilégié entre les acteurs académiques et industriels, qui permet de renforcer les collaborations et de faire avancer la recherche dans notre discipline.

 

  • Pouvez-vous redéfinir ce qu’est exactement le génie des procédés ?

Le génie chimique, ou génie des procédés, est « l’art de transposer, à l’échelle industrielle, les découvertes faites dans les laboratoires de chimie ». Si un chimiste réussit à synthétiser une molécule à petite échelle dans un ballon, il faut ensuite trouver des moyens pour reproduire cette synthèse à grande échelle de manière efficace et sécurisée. C’est là qu’intervient le travail du génie chimiste. Le génie chimique permet de résoudre ces problèmes de changement d’échelle en optimisant les réactions et en garantissant la sécurité des opérations.

C’est une discipline qui se situe à l’interface entre la chimie et le monde industriel. Elle exige une étroite collaboration avec les chimistes pour connaître la réaction chimique, mais aussi avec les ingénieurs industriels pour la mettre en œuvre à grande échelle. Il est important de comprendre que le passage d’une petite à une grande échelle ne se fait pas automatiquement ; il y a de nombreuses étapes intermédiaires, et chacune présente des défis spécifiques.

 

  • Qu’est-ce qui vous a amenée à la recherche et à l’enseignement ?

Ce qui me motive dans la recherche, c’est d’être à l’écoute du monde qui nous entoure et d’apporter des solutions utiles à notre société. Le domaine du génie des procédés est en constante évolution, notamment avec les défis liés aux transitions écologiques et industrielles qu’il doit relever.

 

  • Quelles sont les valeurs que vous souhaitez transmettre à vos étudiants et étudiantes ?

Ce que je cherche avant tout à transmettre à mes étudiants, c’est la connaissance de la discipline génie chimique. Il est également important de leur donner une vision plus large, une ouverture d’esprit. Dans le département de chimie, les étudiants sont souvent concentrés sur les aspects purement expérimentaux, sur la paillasse. Mon rôle est de leur montrer comment ces expériences s’intègrent dans des processus industriels plus complexes et comment aborder les problèmes sous un angle plus global. Enfin, il est important qu’ils acquièrent une rigueur scientifique. Elle est essentielle dans une discipline comme le génie des procédés.