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Rencontre avec une enseignante-chercheuse de l'Université

Anne-Charlène Bezzina, maitresse de conférences en droit public

UFR Droit, sciences économiques et gestion - Laboratoire CUREJ

"Lorsque je quitte un débat en ayant l’impression que la règle de droit a été rappelée et que j’ai pu éclaircir des points de pratiques en remettant les enjeux politiques dans, leur contexte juridique j’ai le sentiment d’avoir accompli ma mission d’enseignante et de chercheuse."

  • Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?

Je suis enseignante-chercheuse, maître de conférences des Universités en droit public depuis septembre 2015 (section 02 Droit public). Je suis rattachée, pour mes recherches, au CUREJ – Centre universitaire rouennais des études juridiques, et spécifiquement dans le thème « justice ».

 

  • Vous êtes donc enseignante-chercheuse, quels sont vos sujets de recherche ?

Je suis constitutionnaliste et ma thèse portait spécifiquement sur le contentieux constitutionnel. Je suis donc plutôt attirée par les études de droit constitutionnel mais également de droit processuel public (contentieux constitutionnel, administratif, contentieux public) et de droit public financier.

Mes sujets de recherche en ce moment portent essentiellement sur le droit du contentieux public, j’essaie de rechercher dans plusieurs de mes articles les liens qui existent entre tous les contentieux de droit public afin de fonder une théorie du procès qui leur soit commune. Spécifiquement, cette étude processualiste sera utile au contentieux constitutionnel qui suit la voie d’une juridictionnalisation que je surveille de très près.

Je suis également intéressée par le droit constitutionnel de manière générale et j’écris souvent des chroniques pour la revue politique et parlementaire et suis l’auteur d’un manuel d’étude de textes et documents fondateurs de notre vie politique, reprise historique du manuel de Maurice Duverger.

 

  • Vous êtes une experte de la Constitution, ce qui vous vaut de nombreuses sollicitations de la part de la presse ces derniers mois. Pouvez-vous nous dire en quoi ce travail autour de la Constitution est essentiel ?

Remettre la Constitution au cœur du débat public me parait primordial pour donner la règle juridique qui est au fondement des pratiques politiques. Cela permet d’éclairer le sens de certaines pratiques mais surtout de rappeler les limites de certains discours publics. La Constitution est un objet social et elle vit avec la pratique qui en est faite, elle est à la fois un objet vivant et un objet d’encadrement. Revenir au texte me paraît donc majeur pour comprendre avec un autre regard notre vie politique ; il y a une part de fact checking dans ce que je fais, mais cela me permet aussi d’être dans l’étude politique actuelle, pour aborder le droit constitutionnel. L’étude du droit constitutionnel a donc un but politique, citoyen et cela me permet de transmettre au grand public ma passion pour cet objet d’étude.

 

  • En parlant de sollicitations, comment fait-on pour concilier interventions dans les médias, recherche et enseignement ?

C’est un peu sportif, qui plus est depuis que je suis jeune maman. Néanmoins je crois que tout se tient, j’ai profondément l’impression de faire mon métier lorsque j’interviens en média, d’apprendre des autres et d’apprendre aux autres. Lorsque je quitte un débat en ayant l’impression que la règle de droit a été rappelée et que j’ai pu éclaircir des points de pratiques en remettant les enjeux politiques dans, leur contexte juridique j’ai le sentiment d’avoir accompli ma mission d’enseignante et de chercheuse.

Récemment j’ai publié deux commentaires de doctrine sur la décision « réforme des retraites » du Conseil constitutionnel à la Revue du Droit Public et les débats auxquels j’ai participé ont nourri ma réflexion ; inversement, c’est en rapport avec la diversité de mes enseignements et de mes recherches que je peux intervenir sur différents sujets.

Je réserve du temps pour mes enseignements qui sont essentiels, et je fais mes recherches essentiellement pendant les week-ends !

 

  • L’un des médias pour lequel vous avez écrit récemment est The Conversation, média de vulgarisation scientifique universitaire. Pourquoi est-ce important pour un enseignant-chercheur de prendre part à ce type de communication ?

J’interviens souvent pour ce média et également pour Le Club des juristes. Le rappel des principes généraux du droit constitutionnel ou du droit public me paraît essentiel pour recentrer certains débats citoyens (constitutionnalisation de l’IVG, usage du droit d’amendement…) et l’étude politique qui en est faite par les journalistes ne permet que d’aborder partiellement des questions dont les enjeux juridiques sont pourtant majeurs pour une compréhension complète de l’évènement d’actualité. Je constate que les enseignants chercheurs (peut être depuis la période du covid) sont beaucoup plus fréquemment consultés qu’auparavant dans le débat public. L’universitaire hors les murs permet à mon sens d’éclairer les débats de société et d’amener la science dans tous les endroits où elle peut être utile.

En définitive, c’est ma passion de revenir aux principes essentiels, d’apporter ce que je sais à mon public quel qu’il soit. J’aime beaucoup cette phrase de Youssef Chahine « si j’enseigne, c’est pour apprendre ».