Pierre Déchelotte, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier
UFR Santé, CHU de Rouen et UMR 1073
"J’ai commencé mon internat en 1983 au CHU de Rouen et j’y suis toujours 40 ans plus tard parce que ce qui m’a toujours beaucoup plu, c’est la dynamique partenariale qu’il y a entre l’hôpital, le CHU, l’UFR Santé et plus largement toute l’université."
- Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?
Je m’appelle Pierre Déchelotte, je suis médecin et Professeur des Universités – Praticien Hospitalier (PU-PH) en Nutrition. Je travaille à Rouen depuis presque 40 ans. À la suite de mon internat au CHU, j’ai été Chef de Clinique-Assistant des universités en hépato-gastro-entérologie, mon premier poste contractuel universitaire, puis nommé Maître de Conférences des Universités – Praticien Hospitalier en nutrition 1993 et enfin PU-PH en 2001. En 2003, j’ai créé le service de nutrition du CHU de Rouen. Parallèlement à la formation et à mes activités cliniques, qui se poursuivent toujours, j’ai été, depuis mes plus jeunes années, très impliqué en recherche, et ai terminé ma thèse d’université en même temps que mon internat. Je me suis investi dans l’animation de l’unité de recherche Appareil Digestif Environnement Nutrition (ADEN), comme adjoint de Philippe Ducrotté, puis comme directeur. En 2012, nous avons été labellisé comme Unité Mixte de Recherche par l’INSERM (UMR 1073) et j’ai été très heureux de passer le flambeau de la direction de l’UMR en janvier 2022 à Moïse Coëffier, également PU-PH en nutrition, pour 6 ans avec le titre « Nutrition, inflammation et axe microbiote-intestin-cerveau ». Parallèlement, l’équipe hospitalière s’est étoffée, et c’est maintenant Najate Achamrah, fraîchement nommée PU-PH en nutrition qui assure la chefferie de service.
J’ai commencé mon internat en 1983 au CHU de Rouen et j’y suis toujours 40 ans plus tard parce que ce qui m’a toujours beaucoup plu, c’est la dynamique partenariale qu’il y a entre l’hôpital, le CHU, l’UFR Santé et plus largement toute l’université. L’écosystème régional est également très favorable, avec le soutien fort de la Région à la recherche, l’esprit d’innovation, de valorisation, de création d’entreprises. Ce sont des choses qui me parlent et m’ont apportées beaucoup de satisfactions au fil de ces années de carrière, de créer des choses, de les développer.
Un des aspects les plus motivants dans ce genre de parcours professionnel, c’est de rassembler du monde, de créer des équipes, de les développer, de recruter, de défendre des postes, des budgets etc… Quand on est nombreux, fédérés autour d’un certain nombre de convictions, d’envie de faire des choses ensemble, on arrive à pousser les murs, à déplacer des montagnes ! C’est donc un grand plaisir pour moi de voir que, pour l’avenir, aussi bien l’équipe hospitalière que l’équipe de recherche sont consolidées et travaillent main dans la main.
- Pouvez-vous nous parler de vos recherches ?
Dans l’UMR, nos sujets d’intérêt sont les troubles nutritionnels (les troubles du comportement alimentaire, l’obésité, la dénutrition) et certains troubles digestifs (les troubles fonctionnels digestifs et les maladies inflammatoires intestinales). Pour mieux comprendre et traiter ces pathologies, nous explorons les interactions et les dysfonctionnements de l’axe microbiote-intestin-cerveau. Il y a 20 ans, on parlait de l’axe intestin-cerveau mais, depuis une dizaine d’années, le microbiote s’est vraiment invité dans les mécanismes de toutes ces maladies. Nous avons saisi cette opportunité assez précocement et nous y sommes maintenant positionnés fortement. Nous nous intéressons surtout au microbiote intestinal, qui est l’ensemble des micro-organismes contenus dans l’intestin, principalement des bactéries. C’est une énorme population de cellules, beaucoup plus importante que nos propres cellules, et elles jouent un rôle très important non seulement dans la digestion finale des nutriments mais aussi dans la production de nombreux métabolites, de neurotransmetteurs, d’hormones et autres signaux moléculaires de tous types.
Au fil des années, notre recherche n’est pas restée en vase clos ; nous avons collaboré activement avec les autres unités de recherche du Campus santé Rouen Normandie, et plus largement au sein de l’IRIB (Institut de Recherche et d’Innovation Biomédicale), dont nous sommes une des équipes fondatrices, il y a de nombreuses années maintenant, et qui est maintenant dirigé par Rachel Marion-Letellier, professeure de Physiologie au sein de notre UMR. Nous avons aussi de nombreuses coopérations extérieures, en France et à l’étranger, avec des unités de recherche académiques et des industriels.
- Que pouvez-vous nous dire au niveau de la formation ?
J’ai bien sûr contribué au développement de l’enseignement de nutrition pendant des années, j’y suis moins impliqué maintenant. Notre équipe s’est fortement impliquée dans les réorganisations des enseignements de nutrition dans les cycles des études médicales et de pharmacie, la réorganisation du master recherche avec une unité d’enseignement spécialisée dans le domaine de la nutrition, de l’intestin et des maladies digestives, le mise en place, en collaboration avec l’IUT d’Evreux, d’un parcours de licence professionnelle nutrition alimentation santé, étape vers l’universitarisation des professions paramédicales comme celles des diététiciens. C’est maintenant Moïse Coëffier, Najate Achamrah, Rachel Marion-Letellier, Jonathan Breton qui sont en première ligne, avec l’aide des assistants universitaires. La roue tourne, et plutôt vite et bien, grâce à eux tous.
- Ancien chef de service, ancien directeur de laboratoire, PU-PH, comment arrivez-vous à organiser vos journées ?
Disons que la charge de travail n’a pas manquée au fil du temps sur le plan du soin, de l’enseignement et de la recherche, et que les journées sont parfois encore un peu longues… Mais nous avons la chance d’avoir une équipe importante et des collègues très investis. C’est également une question de pugnacité dans le travail et d’organisation des journées, et parfois des soirées ! Mais ce sont des métiers qui sont passionnants et qui font qu’on trouve des solutions, qu’on arrive à fédérer des équipes autour des missions de soins, d’enseignement et de recherche. Nous nous donnons de l’énergie les uns aux autres, et atteignons ensemble les objectifs qu’on peut se fixer.
- Vous allez intervenir lors des rencontres normandes de la santé numérique. Pouvez-vous nous en en dire plus ?
Le jeudi 30 novembre, l’association Campus santé, initiative conjointe de l’Université de Rouen Normandie, du CHU de Rouen et du Centre Henri Becquerel, organise la deuxième édition de ces journées de santé numérique. La première était un pari et ce fut une réussite. Cette année, la deuxième édition permettra d’avoir, le matin, une série d’interventions sur des sujets d’actualité dans le numérique en santé. Pour organiser l’après-midi, l’équipe de nutrition s’est mobilisée autour de la thématique « Comportements alimentaires et numérique ». Il y aura un beau panorama d’intervenants locaux et invités. Par exemple, une présentation des apports de la cohorte NutriNet-Santé dans la compréhension de certains déterminants des comportements alimentaires. Il y aura ensuite plusieurs interventions rouennaises présentant nos développements en cours sur l’épidémiologie des troubles du comportement alimentaire, leur dépistage numérique avec la plateforme Nutriactis, les possibilités de suivi des parcours-patients par des cohortes numériques parcours patient, ou encore les possibilités d’intervention par des approches numériques. Les liens entre réseaux sociaux et les troubles du comportement alimentaire, risques et opportunités, seront évoqués : c’est le sujet du projet ANR ALIMNUM, dont le consortium est coordonné Pascale Ezan, professeure à l’Université du Havre, au sein du laboratoire NIMEC, auquel participe notre UMR 1073 et d’autres équipes de Rouen, Lyon et Clermont-Ferrand. Enfin, des invités extérieurs nous présenterons des applications de la réalité virtuelle pour le soin et de l’utilisation de YouTube pour l’éducation nutritionnelle.
- Vous prenez également part à l’organisation des Journées POLEPHARMA de Microbiomique (JPM). Qu’est-ce que c’est exactement ?
Les 22 et 23 novembre se tiendra la quatrième édition des Journées POLEPHARMA de Microbiomique. POLEPHARMA est le premier cluster pharmaceutique européen. Il est très implanté en Normandie ainsi qu’en Ile-de-France, en Val-de-Loire, en Aquitaine, et maintenant un petit peu partout en France. POLEPHARMA a compris que tout ce qui se développe autour du microbiote est une opportunité au niveau clinique, en recherche, mais aussi en application industrielle. Ces journées ont pris leur place dans le paysage de la santé parce qu’elles associent justement des chercheurs, des cliniciens et des industriels, pour échanger sur l’actualité dans le domaine du microbiote. Chaque année nous avons une participation de très haut niveau scientifique et de quasiment tous les acteurs de la filière industrielle du microbiote. J’ai l’honneur depuis le début de présider le comité scientifique et donc d’inviter un certain nombre de collègues académiques ou industriels à participer à l’événement durant une journée et demi et les échanges sont toujours passionnants.
- En plus de toutes ces activités liées à la santé, vous dirigez les Chœurs et Orchestre des Hôpitaux et Université de Rouen Normandie (CHORHUS). Pourquoi vous êtes-vous rajouté cette activité ?
En fait, c’est plutôt la santé qui s’est rajoutée à la musique, qui est ma première vie ! Depuis tout petit, j’ai toujours fait beaucoup de musique : du chant choral, du piano, du solfège, du chant lyrique. J’ai toujours fait partie de groupes et je me suis naturellement mis à la direction. En 1994, j’ai pris la direction de ce qui était à l’époque la chorale du CHU, puis lancé un petit ensemble instrumental devenu un orchestre symphonique, le tout constituant aujourd’hui les CHORHUS-Rouen Normandie. En 2024, nous allons fêter par différentes manifestations les 35 ans du chœur et les 30 ans de l’orchestre, et l’aventure continue !
C’est un vrai plaisir d’accueillir dans le cadre des CHORHUS des gens de toutes les générations : des étudiants, des actifs, des retraités, de la santé, de l’université et d’ailleurs, car le groupe est ouvert à tout le monde. Nous sommes une centaine de choristes et musiciens et nous produisons régulièrement, avec un bon niveau d’amateurs qui essaient toujours de s’améliorer, et prennent, en tous cas, beaucoup de plaisir à préparer nos programmes et les partager avec un public souvent nombreux et chaleureux. Nous donnons d’ailleurs rendez-vous au public le samedi 16 décembre 2023 à 16h pour notre concert de Noël, à l’église Saint-Vivien, tout près du CHU. Nous redonnerons le même programme le mardi 19 décembre 2023 à 20h30 à Bihorel, à l’église Notre-Dame-des-Anges, au profit de la solidarité avec l’Ukraine au travers de l’association « les Convois d’Irina » qui, notamment en partenariat avec le CHU, achemine du matériel médical humanitaire en Ukraine. Les chanteurs et musiciens peuvent nous rejoindre tout au long de l’année.