Romain Lepillé, maître de conférences en socio-géographie
UFR STAPS, laboratoire CETAPS
"J'ai obtenu la bourse olympique pour travailler sur le skateboard via une approche socio-géographique, c'est-à-dire une entrée par le territoire et notamment par les skateparks."
- Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?
Je m’appelle Romain Lepillé, je suis maître de conférences à l’UFR STAPS et je suis affilié au laboratoire CETAPS, le centre d’étude des transformations des activités physiques et sportives. Je suis enseignant-chercheur, ce qui veut dire que je passe 50% de mon temps sur la recherche et 50% de mon temps au niveau de l’enseignement. J’ai aussi un rôle administratif puisque je suis responsable de la licence professionnelle Gestion et Développement des offres de Services Sportifs et de Loisirs (GDO2SL). Aujourd’hui, nous nous retrouvons au skatepark de Mont-Saint-Aignan parce que j’ai obtenu la bourse olympique pour travailler sur le skateboard via une approche socio-géographique, c’est-à-dire une entrée par le territoire et notamment par les skateparks.
- Sur quoi porte cette recherche sur les skateparks ?
Je me suis positionné sur les skateparks, avec une approche géographique, pour essayer de voir où il y en a et où il n’y en a pas. Où est ce qu’ils se développent le plus ? Quels sont les skateparks les plus structurants en France ? Le but est d’essayer de donner une représentation qui soit pertinente. Mes travaux sont financés par la bourse olympique et l’idée derrière et de lier cela aux Jeux Olympiques Paris 2024 et notamment à l’équipe de France. Car malgré un nombre de skateparks assez conséquent en France, l’équipe de France s’entraine souvent à l’étranger car les skateparks sont souvent relativement petits. Dans les années 90 les skateparks ont été pensés à l’échelle des communes pour répondre très rapidement à une demande de pression des skateurs dans la ville. Ce qu’on voulait, c’est qu’ils n’aillent pas sur les places, qu’ils ne gênent pas les habitants lorsqu’ils faisaient leurs courses et qu’ils aillent dans des endroits spécifiques. Mais souvent ces skateparks ont été pensés comme des jeux pour enfants : comme on installe une balançoire et un petit toboggan, et bien on installait deux ou trois modules sans qu’il y ait de cohérence. Aujourd’hui on construit moins de skateparks en France, mais on est plus rationnel. On fait des choses qui sont plus praticables et pensés pour l’accueil des skates, des rollers, des trottinettes, des BMX. Il y a de multiples pratiques, dont la trottinette est la plus récente, qui prennent une place conséquente sur les équipements et il faut savoir s’adapter.
- La bourse olympique, qu’est-ce que c’est ?
C’est une bourse qui est décernée tous les ans à des chercheurs qui déposent un dossier en lien avec des questionnements olympiques. Quand j’ai eu la bourse en 2020, l’idée était de travailler sur le skate qui devenait olympique. Le CIO (Comité International Olympique) cherche à rajeunir les pratiques mais aussi les spectateurs avec des épreuves comme le skateboard, mais aussi le breaking ou le basket 3×3.
- Hormis ces recherches sur le skate, quels sont vos sujets d’étude ?
Mes premières recherches portaient sur les forêts urbaines. C’est d’ailleurs un sujet sur lequel je travaille toujours. Je travaillais sur les forêts de la métropole rouennaise que j’avais défini comme des forêts urbaines. Maintenant je vais plus loin, je parle de stations forestières de loisirs. L’idée est de proposer aux métropoles qui seraient intéressées, de passer le jalon des forêts d’exception comme c’est déjà le cas, pour aller vers des stations forestières de loisirs. C’est à dire d’avoir un lieu dédié aux pratiques forestières, un lieu d’éducation à la nature, un lieu pour pouvoir laver son vélo après la pratique, un lieu avec des stations de trail. Comme il existe des pistes de ski, ce serait bien d’avoir des pistes de trail avec des couleurs en fonction du dénivelé. Ma manière de travailler est toujours la même. C’est ce que j’appelle les médiations territoriales. Je suis toujours dans une double approche socio-géographique : le territoire fait les individus et les individus modèlent le territoire.
- Qu’est-ce qui fait qu’un géographe se retrouve à l’UFR STAPS et au CETAPS ?
C’est lié à mes travaux de thèse que j’ai faite dans deux laboratoires et avec deux directeurs : Michel Bussi en géographie et Damien Femenias en STAPS. L’idée a été de travailler sur une approche socio-géographique. Nous sommes peu nombreux à le faire et c’est ce qui fait notre originalité. Nous cherchons à montrer que les pratiques sont médiées par le territoire mais que le territoire est aussi médiateur des pratiques. C’est d’ailleurs ce qui m’a permis d’obtenir cette bourse olympique : d’être sur cette position originale.
Ce qui est drôle, c’est qu’à la base, je viens de l’histoire. J’ai fait mon mémoire sur le Mouvement Révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA) et sur les mécanismes de violence au Pérou depuis les années 1980. Par contre, j’ai toujours été sportif, j’ai fait beaucoup de basket et beaucoup de roller et je courais en forêt. Donc quand j’ai vu cette bourse de thèse pour travailler sur les forêts, je me suis dit que c’était une belle opportunité. Et c’est comme cela que je suis rentré en STAPS. En STAPS, ce qui est génial c’est que nous touchons à toutes les disciplines, mais en approchant l’objet sport et l’objet loisir sportif. Nous pouvons travailler à la fois sur les randonneurs ou les marcheurs nordiques que sur les ultra traileurs qui courent 180 kilomètres.
Le CETAPS est un laboratoire pluridisciplinaire et c’est ce qui fait notre force. Il y a des gens qui travaillent en physiologie de l’exercice, en biomécanique, en histoire, en sociologie, en géographie. Notre objet d’étude, c’est ce qu’on appelle l’écologie du sport. Elle peut être abordée en management du sport, mais aussi en physiologie. Nous travaillons sur ce qu’on appelle les paradigmes écologiques, que nous abordons sous différents angles et c’est ce qui fait notre unité au sein du laboratoire. Nous ne travaillons pas toujours tous ensemble, mais nous avons plein de projets collaboratifs. Par exemple, le projet skate est un projet fédérateur parce qu’il y a des physiologistes, des biomécaniciens, des historiens, des sociologues, des géographes qui travaillent dessus. Cela amène des difficultés car c’est parfois difficile de faire travailler ensemble deux disciplines, mais cela apporte une véritable richesse lorsque que nous terminons nos recherches.
- Au niveau des cours que vous donnez, quels sujets abordez-vous ?
Je donne des cours d’histoire des pratiques corporelles de l’antiquité grecque à nos jours. Des cours sur la pratique du skateboard et sur les skateparks. Je fais évidemment des cours sur l’aménagement des forêts. En L3 Management, je donne aussi un cours de cartographie pour leur apprendre à faire une zone de chalandise, pour leur apprendre à poser des points sur une carte. Ils en ont besoin. L’utilisation d’une carte, c’est très parlant. Elle va montrer des réalités que nous ne verrions pas dans un tableur avec 200 lignes. Par exemple je travaille sur un fichier sur le recensement des équipements sportifs, espaces et sites de pratique. Il fait 500 000 lignes. Forcément, quand il est retranscrit sur une carte, il y a une représentation qui est complètement différente. C’est l’originalité et la force de la cartographie que j’essaie de transmettre à mes étudiants car c’est quelque chose qui est souvent valorisé dans les structures où ils travaillent ou font leur stage.