Depuis avril 2020, l’équipe « Méthodologies exploratoires pour la synthèse organique et organométallique » du laboratoire COBRA travaille sur un projet européen novateur de bandage antibactérien, en collaboration avec leurs partenaires français (laboratoire PBS à l’INSA de Rouen et l’IFREMER à Brest) et anglais (Université de Southampton). Le projet Smart-T, mené par l’université de Southampton, a pour objectif de développer la technologie des textiles intelligents dans le but d’en dégager de nouvelles utilisations destinées aux industries à forte croissance, et en particulier au secteur de la santé qui représente le premier consommateur de textiles antimicrobiens. Il n’existe aujourd’hui aucun bandage sur le marché qui élimine activement les bactéries sans avoir recourt aux antibiotiques. Les chercheurs du projet, financé par l’Union Européenne, ont donc pour objectif de développer un prototype de pansement antibactérien qui permettrait de réduire l’utilisation d’antibiotiques, participant ainsi à la lutte contre la résistance aux antibiotiques qui constitue, selon l’OMS, l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale.
Des textiles intelligents développés grâce à des technologies innovantes
Les textiles intelligents sont produits en intégrant des pixels (OLEC) qui émettent de la lumière lorsqu’ils sont stimulés électriquement. Chaque pixel a une structure sandwich composée de cinq couches. Les couches supérieure et inférieure sont des revêtements polymères incolores conçus pour protéger les couches internes fonctionnelles contre les rayures, l’oxydation par l’air ou la corrosion au lavage. Les couches internes sont composées de contacts électriques positifs et négatifs séparés par une encre fonctionnelle qui produit la lumière lorsqu’elle est sous tension.
Smart-T vise à fabriquer plus de 100 de ces encres intelligentes qui émettent chacune une lumière de couleur différente à la suite d’une stimulation électrique, créant ainsi un nuancier de couleurs couvrant l’ensemble du spectre visible, du rouge au violet, et au-delà dans la région ultraviolette. Ces encres sérigraphiques uniques ont vocation à être utilisées sur des substrats souples et textiles. Dans la mise au point le bandage anti-bactérien qui émet des rayons UV tueurs de « super bactéries », les chercheurs de l’Université de Rouen Normandie ont la responsabilité de la conception et de la synthèse des encres émettrices de lumière. Leurs compétences leur permettent : 1) de prédire les propriétés des encres en fonction par modélisation moléculaire, 2) de préparer ces encres par des technologies de pointe (électrosynthèse, synthèse hyperbare).
Le prototype de bandage pourrait représenter une solution vitale contre le problème mondial de la résistance aux antibiotiques. Les chercheurs espèrent pouvoir évaluer rapidement les résultats de leur recherche dans des applications réelles.
Un projet européen rassemblant des partenaires des deux côtés de la Manche
Le projet Smart-T est financé par le programme européen Interreg France (Manche) Angleterre. Interreg est une série de programmes fondée par le Fonds européen de développement régional (FEDER) destinés à stimuler la coopération transfrontalière, transnationale et transrégionale de l’Union Européenne. Financé à la hauteur de 7,75 milliards d’euros, Interreg a débuté en 1989 et se trouve aujourd’hui dans sa phase 5, couvrant les projets débutés entre 2014 et 2020. Le programme Interreg France (Manche) Angleterre (FMA) concerne le Royaume-Uni et le nord de la France en particulier. D’un budget de 5,4 millions d’euros, dont 3,7 millions sont financés par le FEDER, le projet Smart-T s’étend lui sur 38 mois, d’avril 2020 à juin 2023.
C’est l’université de Southampton, renommée pour son expertise en chimie organique ainsi qu’en électronique et en informatique, qui mène le projet. Les chercheurs de l’université de Rouen Normandie apportent de leur côté leur expertise dans les études computationnelles des propriétés de l’architecture moléculaire dédiées aux encres SmartT. L’université de Rouen Normandie utilisera des technologie de chimie verte pour accélérer les réactions et transformations lentes qui ne peuvent être réalisées par d’autres méthodes plus traditionnelles. L’université apporte également son expertise dans la combinaison de la synthèse et des prédictions par les calculs théoriques.
Le projet associe également des équipes du CNRS, de l’INSA Rouen Normandie, ainsi que de l’IFREMER en Bretagne et de la PME anglaise Splashmaps, chacun apportant son expertise. Le CNRS a ainsi pour tâche de produire de nouvelles encres via l’organocatalyse et la chimie microfluidique éclair, et de mettre ses compétences en communication au service du projet. L’INSA a pour mission de développer un revêtement intelligent grâce à son expertise dans la valorisation des huiles bio-sourcées. Ces revêtements bio-sourcés ont des propriétés d’auto-guérison qui permettront de protéger efficacement les encres Smart-T. L’IFREMER (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer) testera l’efficacité des e-Textiles en tant que matériau antifouling pour les navires. Enfin, la PME anglaise SplashMaps a pour mission de tester de nouvelles applications des textiles intelligents afin d’en élargir les débouchés et de s’ouvrir à d’autres marchés.
Un pont entre recherche et industrie pour un marché en pleine expansion
Le projet a vocation à développer les partenariats avec les PME du sud de l’Angleterre et du nord de la France. Le marché des textiles intelligents devrait en effet représenter 2 milliards d’euros dans les dix prochaines années, contre 100 millions d’euros aujourd’hui. L’un des objectifs du programme est donc d’aider les PME à se développer et saisir les opportunités dans ce domaine émergeant, grâce à la coopération d’experts de part et d’autre de la Manche.
Le projet Smart-T devrait ainsi permettre de construire un pont entre les chercheurs et l’industrie qui aboutiront à terme au développement de nouveaux produits. D’autres applications de cette technologie très innovants sont en effet étudiées par les chercheurs du projet, notamment la cartographie textile dynamique, destinée à être utilisée pour le tourisme et les loisirs. La technologie pourrait également être répliquée et adoptée dans les secteurs tels que la mode, le sport, les articles de sécurité, ou la publicité.
Dernière mise à jour : 02/12/21
Date de publication : 23/11/21